Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 45e Législature
Volume 154, Numéro 9
Le mercredi 11 juin 2025
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- Le Bureau du Conseil privé
- Le Cabinet du premier ministre
- Les affaires mondiales
- La justice
- Le Bureau du Conseil privé
- La défense nationale
- Le Cabinet du premier ministre
- Les finances
- Les services aux Autochtones
- Les affaires mondiales
- L’emploi et le développement social
- Le Cabinet du premier ministre
- ORDRE DU JOUR
- La Loi sur les Indiens
- Le Budget des dépenses de 2025-2026
- Le Sénat
- Projet de loi sur le cadre national sur la maladie falciforme
- Projet de loi sur le Mois du patrimoine arabe
- La Gore Mutual Insurance Company
- Le Sénat
- La nécessité d’un développement et d’une utilisation sûrs et productifs de l’intelligence artificielle
- La Gore Mutual Insurance Company
LE SÉNAT
Le mercredi 11 juin 2025
La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le Conseil consultatif sur l’égalité des genres
L’honorable Paulette Senior : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le territoire non cédé de la grande nation algonquine anishinabe.
Comme vous le savez, dans les prochains jours, le Canada accueillera le Sommet des dirigeants du G7 à Kananaskis, en Alberta.
En prévision du sommet, j’ai le plaisir d’attirer votre attention sur les recommandations du Conseil consultatif sur l’égalité des genres du G7, ou CCEG, de 2025. En tant que vice-présidente du Conseil, j’ai travaillé avec mes collègues au cours des derniers mois pour formuler des recommandations visant à garantir que les dirigeants du G7 adoptent une approche globale et inclusive en matière d’égalité des genres.
Les femmes sont nettement sous-représentées dans tous les secteurs que les dirigeants du G7 souhaitent promouvoir cette année, qu’il s’agisse de l’intelligence artificielle, des technologies quantiques, des minéraux critiques, de la mobilisation de capitaux privés pour les infrastructures ou la gestion des feux de forêt, ou encore des pourparlers de paix appuyés par des membres du G7.
Afin de respecter ses engagements et d’obtenir de meilleurs résultats pour tous, le Conseil demande aux dirigeants du G7 de prendre diverses mesures : protéger les femmes et les filles contre la violence et le harcèlement facilités par l’intelligence artificielle en encourageant l’adoption de normes mondiales, en adoptant des lois et en appliquant les lois sur les droits de la personne; investir dans le renforcement des capacités des gouvernements et d’autres acteurs dans le domaine des minéraux critiques afin de réaliser des évaluations d’impact qui tiennent compte de la dimension de genre et d’améliorer les systèmes de prévention et d’intervention face à la violence fondée sur le genre; et renforcer les stratégies de lutte contre la répression transnationale en incluant la dimension de genre dans la définition de la répression transnationale afin de souligner qu’elle touche les personnes différemment selon leur identité de genre et leur orientation sexuelle.
Enfin, j’aimerais mettre l’accent sur nos recommandations relatives aux feux de forêt, d’autant plus que les Canadiens voient à quel point ces feux sont dévastateurs et bouleversent profondément la vie de milliers de gens.
Le Conseil consultatif sur l’égalité des genres exhorte les dirigeantes et dirigeants du G7 à accroître la participation et le rôle directeur des femmes dans l’ensemble des initiatives qui soutiennent la prévention des feux de forêt, l’intervention face aux feux et le rétablissement subséquent, notamment en s’attaquant aux obstacles au recrutement et à l’avancement professionnel des femmes en tant que pompières, tels que les stéréotypes sexistes, l’équipement conçu pour les hommes, la discrimination fondée sur le genre et le harcèlement sexuel.
Nous recommandons également d’apprendre des pratiques d’aménagement forestier des Autochtones et d’inclure des praticiens et des praticiennes autochtones dans les discussions sur les feux de forêt et les efforts visant à soutenir toutes les étapes de la gestion des urgences, ainsi que de faciliter le partage des pratiques exemplaires autochtones et autres entre les membres du G7.
Chers collègues, je vous encourage à examiner les recommandations du conseil consultatif qui réclament la prise de mesures concrètes pour faire progresser l’égalité des genres et tenir compte de la dimension de genre dans tous les domaines prioritaires du G7 pour cette année.
C’est un honneur pour moi de siéger au conseil cette année, sous la présidence du Canada. Je me réjouis à l’idée de continuer à faire avancer ces recommandations afin de promouvoir l’égalité des genres au sein du G7 et, bien sûr, du Canada.
Merci, meegwetch.
Des voix : Bravo!
[Français]
L’initiative Akadi Lumina
L’honorable Rose-May Poirier : Honorables sénateurs et sénatrices, je prends la parole aujourd’hui pour présenter Akadi Lumina, une initiative culturelle mise sur pied à Bouctouche, au Nouveau-Brunswick, qui illustre le pouvoir des récits, de l’innovation et de la collaboration communautaire.
Située dans les bois près du Pays de la Sagouine, Akadi Lumina est une expérience nocturne qui permet aux visiteurs de parcourir un kilomètre et demi dans la nature de l’Acadie. À la tombée de la nuit, les gens marchent le long d’un sentier où la lumière, la poésie, les projections vidéo et la musique les plongent dans l’histoire acadienne.
Grâce à huit zones thématiques qui capturent des facettes de la vie acadienne, les gens ressentent la chaleur légendaire des « partys de cuisine » et le courage et la résilience dont les Acadiens ont fait preuve pour surmonter l’adversité. C’est plus qu’un spectacle visuel, c’est un voyage rempli d’émotions et d’esprit acadien qui reflète la contribution de notre communauté au patrimoine national.
Créé par le célèbre studio Moment Factory de Montréal, en partenariat avec des artistes, des musiciens et des conteurs locaux, ce projet est le 18e de la série Lumina et le premier au Canada atlantique.
Depuis son inauguration le 3 août 2023, Akadi Lumina a non seulement enrichi le paysage culturel, mais a également stimulé le tourisme régional. Lors de sa première saison, l’initiative a attiré plus de 40 000 visiteurs. Un tel engouement démontre bien le potentiel du projet comme moteur économique durable et comme modèle de tourisme culturel.
J’ai moi-même parcouru le sentier d’Akadi Lumina avec ma famille. Mon sentiment de fierté est plus fort que jamais quand je vois notre culture et notre région rayonner parmi les étoiles et toucher tous ceux qui découvrent notre culture pour la première fois ou qui approfondissent leurs connaissances sur elle.
Cette année, un volet de la mer a été ajouté et, puisque le reste du parcours est exceptionnel, je suis convaincue qu’il sera à la hauteur.
Honorables sénateurs, Akadi Lumina continue d’être un succès dans le comté de Kent et de faire rayonner l’histoire et la culture acadiennes. Joignez-vous à moi, chers collègues, pour féliciter Akadi Lumina de leur succès. Si jamais vous êtes dans le coin, cela vaut la peine de vivre cette expérience unique.
Merci.
[Traduction]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Shannin Metatawabin, président-directeur général de l’Association nationale des sociétés autochtones de financement, de même que des membres du conseil d’administration. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice White.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
L’Association nationale des sociétés autochtones de financement
L’honorable Judy A. White : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du rôle essentiel que joue l’entrepreneuriat autochtone pour favoriser l’autonomie et la réconciliation économiques. Je tiens surtout à souligner le travail remarquable de l’Association nationale des sociétés autochtones de financement, ou ANSAF.
Depuis 40 ans, l’ANSAF collabore avec un réseau de plus de 50 institutions financières autochtones afin de soutenir l’entrepreneuriat autochtone au Canada.
À ce jour, ce réseau a accordé plus de 53 000 prêts totalisant 3,3 milliards de dollars à des entreprises appartenant à des membres des Premières Nations, des Métis et des Inuit, et l’ANSAF a appuyé le réseau en renforçant les capacités des institutions financières autochtones et en favorisant le développement des entreprises autochtones.
(1410)
Parmi ses nombreuses réalisations, l’ANSAF s’est associée au gouvernement fédéral afin de lancer le Fonds de croissance autochtone, le plus grand fonds à retombées sociales autochtone du Canada. Ce fonds de 153 millions de dollars améliore l’accès au capital pour les institutions financières autochtones et les petites et moyennes entreprises autochtones.
L’ANSAF collabore également avec le gouvernement fédéral dans le but d’investir 9,5 millions de dollars dans le tourisme autochtone. Ce programme soutient 11 projets dans 7 provinces et territoires et représente une autre étape vers la réconciliation économique grâce à l’autonomisation de divers projets touristiques autochtones.
Je tiens également à saluer le Programme pour les femmes entrepreneures autochtones, lancé en 2022 dans 32 institutions financières autochtones au Canada. Grâce à cette initiative, élaborée en partenariat avec Services aux Autochtones Canada, l’ANSAF aide les femmes autochtones à démarrer et à faire croître des entreprises en s’attaquant aux obstacles systémiques et en adaptant les mesures de soutien à leurs besoins uniques et à leurs expériences vécues.
Le mois dernier, le forum sur la prospérité autochtone de l’ANSAF a eu lieu dans la région de la capitale nationale. Plus de 400 délégués y ont assisté, y compris des prêteurs, des dirigeants économiques et des entrepreneurs autochtones ainsi que des partenaires et des décideurs. Tous ont souligné les progrès de l’autodétermination économique des Autochtones.
Pour y avoir assisté, je peux dire avec confiance que le forum a été un succès retentissant. J’en suis repartie inspirée par les nombreux entrepreneurs, chefs d’entreprise et agents de changement autochtones que j’ai rencontrés.
En terminant, je tiens à féliciter chaleureusement l’Association nationale des sociétés autochtones de financement et ses dirigeants. Le travail que vous faites pour stimuler les possibilités économiques et la prospérité est essentiel au bien-être des communautés autochtones partout au pays.
Merci. We’lalin.
Visiteur à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Kathryn Fournier. Elle est l’invitée de l’honorable sénatrice Audette.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Félicitations aux diplômés de 2025
L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, chaque année, à cette période-ci, des milliers d’étudiants sont présentés sur les scènes des universités et collèges de notre pays.
La cohorte de 2025 comprend d’anciens collègues du Sénat, notamment Sarah Marquis, Dada Muhobo et Jessica Knézy, ainsi que le fils de la sénatrice Muggli, Ayden Draude, et ma fille, Lindelwa Coyle.
La Nouvelle-Écosse est une plaque tournante renommée pour l’enseignement supérieur. On y retrouve l’Université Acadia, l’Université du Cap-Breton, l’Université Dalhousie, l’Université Mount Saint Vincent, le Collège d’art et de design de la Nouvelle-Écosse, l’Université Saint Mary’s, l’Université St. Francis Xavier, l’Université Sainte-Anne, l’Université de King’s College, l’École de théologie de l’Atlantique et le Collège communautaire de la Nouvelle-Écosse. Ces établissements forment des milliers de diplômés des quatre coins de notre région, du Canada et du monde.
Le mois dernier, j’ai eu l’honneur d’assister à la cérémonie de collation des grades de l’Université St. Francis Xavier. La salle était bondée d’étudiants diplômés, de professeurs, de membres du corps enseignant, de familles et d’amis. L’ambiance était électrique. Nous avons été transportés par la puissance des percussionnistes afro‑néo-écossais, du chant d’honneur des Mi’kmaqs et de la musique de l’orchestre de l’école secondaire, en plus d’être transportés par la voix angélique de Janet Becigneul, qui a chanté l’hymne national en français, en anglais, en mi’kmaq et en gaélique.
La chancelière Mila Mulroney a présidé la cérémonie avec élégance. Le président Andrew Hakin a déclaré aux diplômés que la gentillesse est un superpouvoir et les a exhortés à se montrer à la hauteur de la mission de l’université, qui est de bâtir une société meilleure.
Les récipiendaires d’un diplôme honorifique de l’Université St. Francis Xavier, l’athlète olympique Clara Hughes et le mathématicien Peter Nicholson, ont inspiré les diplômés et mis au défi toutes les personnes présentes à se surpasser.
Clara Hughes a parlé de la sagesse qu’elle a acquise à la veille des Jeux olympiques de Vancouver, lorsqu’elle a pris part à une cérémonie de la Première Nation Squamish dirigée par l’Aîné Dennis Joseph. Elle a appris qu’on n’accomplit jamais rien seul, y compris une course. Nous avons un cercle de force au sein duquel il est possible d’aller puiser.
M. Peter Nicholson a publié un appel à la mobilisation qui tombait à point et qui s’intitule Mobilizing in Defense of Truth, qui veut dire « Se mobiliser pour défendre la vérité », ce qui est très pertinent puisque la devise de l’Université St. Francis Xavier est Quaecumque Sunt Vera, c’est-à-dire « Tout ce qui est vrai ». Il a déclaré :
Le caractère scientifique est menacé. Non seulement dans les arcanes du pouvoir, mais aussi dans la culture que nous consommons. La vérité, c’est ce qui nous permet de prédire, autant que possible, les conséquences de nos actions en tant qu’individus et en tant que société.
Nous nions ou ignorons la vérité à nos risques et périls. N’oubliez pas que défendre la vérité n’est pas une quête abstraite. C’est une responsabilité morale et civique.
En sciences, en affaires, au gouvernement et au quotidien, votre capacité de comprendre la relation de cause à effet et d’agir avec sagesse, repose sur votre capacité à embrasser la vérité et à rejeter le mensonge.
Honorables collègues, veuillez vous joindre à moi pour féliciter Sarah, Dada, Jessica, Ayden, Lindi et tous ceux d’entre nous dont un proche vient d’obtenir son diplôme. Puissent-ils, ainsi que tous les diplômés, être des défenseurs fervents et efficaces de la vérité.
Visiteur à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Scarlett Audrey Nixon, élève de huitième année à l’Agincourt Road Public School d’Ottawa. Elle est l’invitée de l’honorable sénateur Black.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le développement des jeunes
L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, comme beaucoup d’entre vous le savent, lorsque je prends la parole dans cette enceinte, c’est généralement pour parler d’agriculture, des collectivités rurales et des problèmes auxquels le pays est confronté et qui les touchent aussi.
Cependant, j’aime aussi prendre la parole pour soutenir les programmes destinés aux jeunes et à la formation au leadership offerts partout au Canada, comme les 4-H et l’organisme Junior Farmers, entre autres.
Aujourd’hui, j’ai l’honneur de prendre la parole pour souligner de nouveau l’importance du développement des jeunes, que ce soit par l’intermédiaire de programmes de leadership pour les jeunes, d’une éducation de qualité, de réseaux de pair à pair ou d’activités parascolaires.
Les jeunes sont notre avenir, et il est de notre devoir de veiller à ce qu’ils aient les outils nécessaires pour diriger le pays après nous. Chaque fois que j’en ai l’occasion, je parle aux jeunes au sujet du Sénat du Canada, de mon parcours jusqu’au Sénat et de l’importance de s’impliquer dans la collectivité.
Que ce soit dans le cadre de S’ENgage, à la suite de demandes adressées directement à mon bureau ou lors de mes déplacements, je m’adresse aussi souvent que possible à des classes et à des écoles d’un peu partout au pays, afin de rencontrer des jeunes de tous âges.
Cette année seulement, j’ai déjà eu le plaisir de m’adresser à des élèves de 5e année à Huntsville et à des étudiants de l’Université de la Saskatchewan. Je dois dire que j’apprécie toujours ces rencontres. Les commentaires, les questions et les préoccupations formulés par les jeunes m’aident à mieux comprendre leurs problèmes et à mieux les représenter dans cette enceinte.
Chers sénateurs, ce sont les jeunes d’aujourd’hui qui seront les leaders de demain. Et mon amie, Mlle Scarlett Nixon, sera sans aucun doute l’une de ces leaders, ici même, en Ontario. À 13 ans, des jeunes comme Mlle Nixon consacrent déjà une partie de leur temps à faire du bénévolat, à organiser des activités scolaires, à participer à des activités parascolaires, à aider leurs camarades et à leur donner des cours particuliers, en plus d’occuper un emploi après l’école.
Lorsque je m’adresse à des jeunes, j’aime leur faire part de quelques leçons que j’aurais aimé recevoir dans ma jeunesse. Je commence par leur dire de ne pas avoir peur de s’investir et de se salir les mains. Ne refusez jamais une occasion, car vous ne savez jamais ce que vous pourriez en retirer. Il n’y a pas de mal à faire des erreurs, car c’est en commettant des erreurs que l’on apprend. Et enfin, pour citer la devise de 4-H Canada, il faut « Apprendre en travaillant ».
Pour conclure, j’encourage les jeunes qui nous regardent, ceux qui sont nos futurs leaders, à saisir les nombreuses occasions qui s’offrent à eux et à les exploiter pleinement. Prenez des risques lorsque vous le pouvez et essayez de nouvelles choses.
Alors que vous naviguez dans notre monde, qui est en constante évolution, sachez que les parlementaires, comme moi-même — comme nous tous —, travaillons pour vous soutenir également. Nous sommes là pour vous guider, vous soutenir, vous conseiller et veiller à ce que vous disposiez des meilleurs outils pour réussir aujourd’hui et demain.
Je les encourage à contacter leurs sénateurs et leurs députés s’ils ont des préoccupations dont nous devrions être informés. Leurs voix sont celles de l’avenir, et nous devons les entendre.
Je remercie les jeunes Canadiens, comme Mlle Nixon, de s’investir, de prendre des risques et d’être des leaders et des modèles.
Merci. Meegwetch.
Le Mois de la fierté
L’honorable Marnie McBean : Honorables sénateurs, chaque mois de juin, les Canadiens se rassemblent pour célébrer le Mois de la fierté. C’est l’occasion d’honorer les diverses identités de la communauté 2ELGBTQIA+.
Malgré notre visibilité croissante, comme l’a déclaré hier le premier ministre Carney lors de la levée du drapeau de la fierté, la communauté est dans une position précaire, et elle fait face à des réactions négatives dans le monde entier.
Récemment, j’ai été interviewée dans le cadre d’une émission de télévision et, pendant qu’elle me présentait, l’animatrice a bafouillé. Elle m’a présentée comme étant une membre de « la communauté LGBTQ... Argh! Communauté XYZ! » Elle a levé les mains au ciel, à la fois par exaspération et pour divertir le public, puis elle s’est tournée vers moi et m’a demandé : « C’est quoi au juste? »
Je n’ai pas beaucoup aimé cela. Elle n’a pas seulement bafouillé; elle en a minimisé l’importance.
(1420)
Elle s’est moquée de la communauté gaie simplement pour faire rire. Elle l’a fait sans mauvaise intention, mais à ce moment-là, elle n’a tout simplement eu aucun égard pour moi.
Quelle est la bonne façon de s’adresser à la communauté gaie? Je ne sais pas. Je suis gaie. Cela ne fait pas de moi une spécialiste de tout ce qui se rapporte à la communauté gaie. Même en tant que lesbienne, je ne suis pas experte en la matière. Je sais qui je suis. Je connais mon parcours.
Ce que je sais, c’est que le terme n’est pas une suite de lettres choisies au hasard. Chaque lettre de l’acronyme est importante. J’avais l’habitude de dire simplement LGBT. Maintenant, j’inclus d’abord les Autochtones bispirituels avec le terme « 2E », puis la communauté queer, ce qui donne « 2ELGBTQ ». Plus précisément, je parle de la communauté 2ELGBTQIA+.
Que devrait-on dire? Cela dépend un peu du contexte, mais le plus important est de comprendre que chaque lettre représente de vraies personnes, de vraies identités et de vraies expériences.
Comme il y a beaucoup de gens dans la communauté, il y a beaucoup d’explications pour chaque lettre. En ce Mois de la fierté, je vous encourage à vous pencher là-dessus et à faire quelques recherches.
Chers amis, la façon dont nous nous entraidons est importante. L’important, pour être un allié, ce n’est pas de toujours employer le terme exact, mais de s’efforcer de se montrer respectueux.
Ah Ni Na. J’ai entendu ce mot des Salish du littoral pour la première fois dans une chanson lors d’une cérémonie où l’on m’a offert un tambour pour Équipe Canada. On l’entend quand quelqu’un est tombé et qu’il a besoin d’aide pour se relever. Il signifie relever l’esprit en relevant le corps. Ah Ni Na.
Certains se sentent rabaissés quand d’autres minimisent l’importance d’utiliser les pronoms choisis par quelqu’un ou d’exprimer de la sollicitude en parlant d’une communauté, quelle qu’elle soit, pas seulement la communauté gaie.
Chers collègues, depuis mon arrivée ici, j’ai le sentiment que la grande majorité d’entre vous êtes des alliés. Dans vos déclarations et dans nos discussions, j’ai appris que vous avez des membres de votre famille et de bons amis qui font partie de la communauté 2ELGBTQ+. Il est important d’en parler. Ah Ni Na.
Le fait d’appartenir à une minorité et de se sentir vulnérable et seul nous isole. Il n’est donc pas facile de se lever et de marcher la tête bien haute, mais, avec l’aide des autres, les choses deviennent plus faciles.
Si vous ne savez pas quoi dire pour faire preuve d’inclusion, ce n’est pas grave, et ne vous inquiétez pas si vous êtes simplement à court de mots : il n’y a pas de problème. Soyez simplement respectueux. Prenez le temps de vous renseigner. Le langage qu’on emploie est important, et tout le monde mérite d’éprouver un sentiment de force, de sécurité et de fierté.
Merci.
Des voix : Bravo!
[Français]
AFFAIRES COURANTES
Projet de loi visant à rendre la vie plus abordable pour les Canadiens
Préavis de motion tendant à autoriser le Sénat à se réunir en comité plénier afin d’étudier la teneur du projet de loi C-4
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, nonobstant toute disposition du Règlement, toute pratique habituelle ou tout ordre antérieur :
1.à 19 heures le 17 juin 2025, le Sénat se forme en comité plénier afin d’étudier la teneur du projet de loi C-4, Loi concernant certaines mesures d’abordabilité pour les Canadiens et une autre mesure, déposé à la Chambre des communes le 5 juin 2025, avant que ce projet de loi soit soumis au Sénat;
2.le comité plénier reçoive l’honorable François-Philippe Champagne, c.p., député, ministre des Finances et du Revenu national, accompagné d’un maximum de trois fonctionnaires;
3.le comité lève sa séance au plus tard 95 minutes après le début de ses travaux;
4.les remarques introductives du ministre soient limitées à un maximum de cinq minutes;
5.si, au cours du comité plénier, un sénateur n’utilise pas l’entière période de 10 minutes prévue pour les interventions à l’article 12-31(3)d) du Règlement, les réponses des témoins y comprises, il puisse céder le reste de son temps à un autre sénateur;
6.l’application des dispositions de l’article 3-3(1) du Règlement et de toute disposition du Règlement ou tout ordre antérieur concernant l’heure fixée pour la clôture de la séance soit suspendue pendant que le comité plénier se réunit;
7.si un vote par appel nominal reporté aurait autrement lieu pendant la réunion du comité plénier, ce vote soit reporté de nouveau afin que la sonnerie ne se fasse entendre qu’une fois les travaux du comité terminés;
8.il soit entendu que tous les témoins comparaissent en personne.
[Traduction]
Projet de loi sur l’unité de l’économie canadienne
Préavis de motion tendant à autoriser le Sénat à se réunir en comité plénier afin d’étudier la teneur du projet de loi C-5 et à en définir les délibérations
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, nonobstant toute disposition du Règlement, toute pratique habituelle ou tout ordre antérieur :
1.lorsque le Sénat siège les 16, 17 et 18 juin 2025, il se forme en comités pléniers au début de chaque séance afin d’étudier la teneur du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, déposé à la Chambre des communes le 6 juin 2025, avant que ce projet de loi soit soumis au Sénat;
2.chaque comité plénier dure un maximum de quatre heures, à condition que le comité puisse suspendre sa réunion quand il le juge à propos, ces suspensions n’étant pas prises en compte pour la comptabilisation de la durée totale du temps que le comité peut se réunir;
3.le 16 juin 2025, le comité plénier reçoive :
a)l’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, ministre des Transports et du Commerce intérieur, pendant un maximum de 65 minutes, qui peut faire des remarques introductives d’un maximum de 5 minutes, sa comparution étant axée sur la partie 1 du projet de loi, et qui peut être accompagnée d’un maximum de trois fonctionnaires;
b)tout autre témoin déterminé conformément au processus établi dans le présent ordre;
4.le 17 juin 2025, le comité plénier reçoive :
a)l’honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, président du Conseil privé du Roi pour le Canada et ministre responsable du Commerce Canada–États-Unis, des Affaires intergouvernementales et de l’Unité de l’économie canadienne, et de l’honorable Rebecca Alty, c.p., députée, ministre des Relations Couronne-Autochtones, pendant un maximum de 130 minutes, qui peuvent faire des remarques d’un maximum 5 minutes chacun, leur comparution étant axée sur la partie 2 du projet de loi, chaque ministre étant accompagné d’un maximum de trois fonctionnaires;
b)tout autre témoin déterminé conformément au processus établi dans le présent ordre;
5.le 18 juin 2025, le comité plénier reçoive des témoins déterminés conformément au processus établi dans le présent ordre;
6.une majorité des leaders adjointes ou facilitatrices adjointes soit autorisée à inviter des témoins au nom des comités pléniers, sous réserve des dispositions du présent ordre;
7.si, au cours d’un de ces comités pléniers, un sénateur n’utilise pas l’intégralité des 10 minutes prévues pour les interventions à l’article 12-31(3)d) du Règlement, les réponses des témoins y comprises, il puisse céder le reste de son temps à un autre sénateur;
8.l’application des dispositions de l’article 3-3(1) du Règlement et de toute disposition du Règlement ou tout ordre antérieur concernant l’heure fixée pour la clôture de la séance soit suspendue pendant que ces comités pléniers se réunissent;
9.si un vote par appel nominal reporté aurait autrement lieu pendant la réunion d’un de ces comités pléniers, ce vote soit reporté de nouveau afin que la sonnerie ne se fasse entendre qu’une fois les travaux du comité terminés;
10.il soit entendu que, pour ces comités pléniers, tous les témoins comparaissent en personne;
11.si le Sénat reçoit un message de la Chambre des communes avec le projet de loi C-5, ce projet de loi soit inscrit à l’ordre du jour pour une deuxième lecture plus tard ce jour, en tant que premier point des affaires du gouvernement, s’il est reçu avant ce moment de la séance, ou, s’il est reçu après ce moment de la séance, en tant que l’affaire suivante, et, dans les deux cas, la séance ne soit pas levée ce jour-là avant que le Sénat n’ait commencé les délibérations à l’étape de la deuxième lecture;
12.sous réserve des dispositions du point 14, une fois le débat sur la deuxième lecture du projet de loi commencé, il ne soit pas ajourné et la séance ne soit pas levée avant que l’étude du projet de loi à cette étape soit terminée, le Sénat siégeant au-delà de l’heure fixée pour la clôture de la séance, au besoin, et tout vote par appel nominal demandé par rapport à toute motion relative à la deuxième lecture du projet de loi n’étant pas reporté;
13.sous réserve des dispositions des points 14 et 15, si le projet de loi est adopté à l’étape de la deuxième lecture, il soit inscrit à l’ordre du jour pour une troisième lecture à la prochaine séance du Sénat;
14.sous réserve des dispositions du point 15, à la fin du débat à l’étape de la deuxième lecture, l’agente de liaison du gouvernement soit autorisée à reporter le vote par appel nominal sur la motion principale, si un tel vote est demandé, à la prochaine séance du Sénat, au début de l’ordre du jour, auquel cas, si le projet de loi est toujours devant le Sénat après le vote, il soit inscrit à l’ordre du jour pour une troisième lecture plus tard cette même séance;
15.lors de la séance du 27 juin 2025, si le projet de loi est toujours inscrit à l’ordre du jour, que ce soit pour cette séance ou une séance future :
a)la séance continue jusqu’à ce que les délibérations sur le projet de loi soient terminées;
b)les délibérations sur toute affaire reliée au projet de loi ne soient pas ajournées;
c)si le projet de loi n’est adopté à l’étape de la deuxième lecture que ce jour-là, il soit pris en considération à l’étape de la troisième lecture immédiatement;
d)si, à 17 h 15, le Sénat n’a pas terminé toutes les délibérations sur le projet de loi, la Présidente interrompe les délibérations alors en cours afin de mettre aux voix toutes les questions nécessaires pour rendre une décision finale sur le projet de loi à l’étape de la troisième lecture sans autre débat, pourvu que :
(i)si la deuxième ou la troisième lecture du projet de loi n’a pas encore été proposée à ce moment-là, la parole soit donnée à un sénateur dans le seul but de proposer la deuxième ou la troisième lecture, selon le cas;
(ii)si l’étude du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour d’une séance future, elle soit avancée à ce moment-là afin que toutes les questions puissent être mises aux voix;
(iii)si un vote relatif au projet de loi avait été reporté de sorte qu’il ait normalement lieu après le temps fixé pour l’interruption des délibérations, ce vote soit avancé à 17 h 30 le 27 juin 2025, après une sonnerie de 15 minutes, la sonnerie commençant à se faire entendre à 17 h 15;
(iv)si la Présidente interrompt les délibérations alors en cours conformément à ce sous-point afin de mettre aux voix toutes les questions nécessaires pour rendre une décision finale sur le projet de loi sans autre débat, aucun autre débat n’ait lieu et aucun autre amendement ne puisse être proposé, et si un vote par appel nominal est demandé, le vote ne soit pas reporté et la sonnerie ne retentisse qu’une fois pendant 15 minutes et ne retentisse pas de nouveau pour les votes subséquents nécessaires pour rendre une décision sur le projet de loi;
16.si le Sénat ne siège pas le 27 juin 2025, toute disposition du présent ordre faisant référence à cette date ait effet à la séance suivante du Sénat, comme si cette date était celle qui figure dans cet ordre;
17.il soit entendu que, sauf disposition contraire, si au moment où le présent ordre prévoit que quelque chose doit se produire relativement au projet de loi, la sonnerie est en train de retentir pour un autre vote, un tel vote est en cours, ou ce moment coïnciderait avec un événement annoncé dans un message de la Couronne, le moment indiqué dans le présent ordre soit interprété comme ayant lieu après cet autre vote ou événement;
18.aucune motion visant à renvoyer le projet de loi à un comité ne soit reçue;
19.si le présent ordre n’est adopté qu’après le moment où la Présidente interromprait autrement les délibérations alors en cours le 27 juin 2025, toute disposition qui serait entrée en vigueur à ce moment-là soit lue comme si ce moment était celui qui tombe immédiatement après l’adoption de l’ordre.
(1430)
Le Sénat
Préavis de motion concernant la nomination de Julie Wellington à titre de légiste et conseillère parlementaire
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que Julie Wellington soit nommée légiste et conseillère parlementaire du Sénat, à partir du 17 juillet 2025.
L’ajournement
Préavis de motion
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au lundi 16 juin 2025, à 14 heures.
PÉRIODE DES QUESTIONS
Le Bureau du Conseil privé
La fonction publique fédérale
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, partout au pays, les Canadiens ressentent un regain de fierté nationale, et nombreux sont ceux qui choisissent d’afficher des symboles patriotiques, comme le drapeau canadien chez eux, dans leur collectivité et en ligne. Dans cet esprit, le gouvernement peut-il confirmer s’il existe des politiques ou des directives qui empêchent les fonctionnaires fédéraux ou les employés des sociétés d’État d’afficher des symboles patriotiques modestes comme un drapeau canadien ou une épinglette sur leur lieu de travail?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de la question. Je vous remercie également de souligner la fierté et la détermination que nous ressentons tous dans notre pays à faire front commun en cette période très difficile que nous traversons et, en fait, que toute la planète traverse.
Je ne connais pas les politiques précises des ministères fédéraux au sujet de ce qui peut ou ne peut pas être porté. Je vais certainement me renseigner auprès du ou des ministres concernés afin d’en savoir plus.
Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, en cette période où l’on attaque notre souveraineté, l’unité et la fierté nationales doivent être célébrées et méritent, selon moi, d’être criées sur tous les toits. Il serait extrêmement malheureux que les lieux de travail gouvernementaux y fassent exception. Je vous remercie de vouloir obtenir la réponse à cette question, car j’estime qu’il est important que le gouvernement Carney s’engage à respecter, voire à encourager l’expression de patriotisme dans les lieux de travail fédéraux.
Le sénateur Gold : Je vous en prie.
Le Cabinet du premier ministre
Le discours du Trône
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Sénateur Gold, pendant trop longtemps, on a appelé la guerre de Corée la guerre oubliée. Cependant, grâce à ses efforts, le regretté député Greg Thompson, ancien ministre des Anciens Combattants, a réussi, en 2008, à rendre les anciens combattants de la guerre de Corée admissibles aux avantages et prestations offerts à ceux de la Première Guerre mondiale et de la Seconde Guerre mondiale. En 2013, nous avons promulgué la Loi sur la Journée des anciens combattants de la guerre de Corée.
La guerre de Corée n’est donc plus oubliée. Par conséquent, étant donné qu’elle est au troisième rang des guerres les plus sanglantes auxquelles le Canada a participé et que l’on franchira cette année le jalon historique de son 75e anniversaire, pourquoi la guerre de Corée n’est-elle nullement mentionnée dans le récent discours du Trône? Le premier ministre rectifiera-t-il cette grave omission et présentera-t-il ses excuses aux anciens combattants de cette guerre pour les avoir oubliés dans le discours du Trône?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie. Le gouvernement, le Sénat et, je pense, tous les Canadiens sont reconnaissants envers tous ceux qui ont servi, qui ont combattu et qui se sont sacrifiés dans les guerres que le Canada a menées pour défendre la liberté et la justice à l’étranger. Ce n’est assurément pas une guerre oubliée.
Le discours du Trône énonce les priorités d’action du gouvernement. Il s’agissait du discours du Trône d’un nouveau gouvernement. Je peux assurer au Sénat que toute omission dans ce discours, qu’il s’agisse d’un hommage à ceux qui ont servi le pays et se sont sacrifiés pendant la guerre de Corée ou de nombreuses autres choses, n’est pas un signe de méconnaissance ou d’indifférence à l’égard des sacrifices héroïques consentis par nos concitoyens canadiens.
La sénatrice Martin : Les mots ne sont pas sans importance, même s’il faut plus que des mots pour rendre hommage aux anciens combattants. Il faut des mesures concrètes et un engagement constant. Le nombre d’anciens combattants de la guerre de Corée diminue chaque année, il est donc d’autant plus urgent d’agir maintenant.
Quelles mesures concrètes le gouvernement prendra-t-il pour marquer dûment le 75e anniversaire de la guerre de Corée et pour préserver l’héritage des anciens combattants par l’entremise de commémorations nationales, d’initiatives d’éducation et de mesures pour favoriser le bien-être des anciens combattants?
Le sénateur Housakos : Bravo!
Le sénateur Gold : Merci, sénatrice, pour votre question.
(1440)
Je ne manquerai pas de soulever cette question auprès de la ministre, et je l’encouragerai à travailler avec les membres de la diaspora coréenne dans notre pays — comme je m’attends à ce que les ministres le fassent — et je vous invite à venir m’en parler si vous êtes disposée à m’aider dans cette démarche.
Les affaires mondiales
Le soutien à l’Ukraine
L’honorable Stan Kutcher : Sénateur Gold, comme nous le savons tous, cette semaine, le président Trump a refusé à l’Ukraine 20 000 missiles de défense sol-air achetés précédemment. Cet acte coercitif particulièrement brutal démontre la nécessité d’un soutien différent à l’Ukraine de la part du Canada et de nos alliés. Le projet de « bouclier du ciel européen » pourrait apporter aux enfants ukrainiens innocents la protection dont ils ont besoin.
Que fait le Canada pour promouvoir cette option auprès de ses alliés? Le Canada jouera-t-il un rôle de premier plan dans le cadre de ce projet de bouclier antimissile?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et, encore une fois, de votre engagement et de l’attention que vous portez à cette question importante.
Je réitère l’engagement inébranlable du Canada envers l’Ukraine et sa défense contre une guerre injuste. Je répète également que le premier ministre a invité le président Zelenski au sommet du G7 et que le gouvernement travaille avec ses homologues du G7 pour renforcer notre soutien et celui de nos alliés à l’égard de l’Ukraine.
Je souhaite également souligner l’héroïsme et l’inventivité avec lesquels le peuple et le gouvernement ukrainiens ont riposté à cette agression d’une multitude de façons. Il s’agit d’un enjeu important qui reste une priorité pour le gouvernement du Canada.
Le sénateur Kutcher : Sénateur Gold, le Canada versait auparavant environ 120 millions de dollars au modèle danois. De nombreux autres pays financent également cette approche des plus fructueuses. Quel sera le montant versé par le Canada à cette initiative au cours des six prochains mois?
Si vous n’avez pas la réponse sous la main — je ne m’attends pas à ce que vous l’ayez —, pourriez-vous poser la question au ministre pour nous et pourriez-vous lui demander de répondre également à ma question concernant le bouclier du ciel?
Le sénateur Gold : Je poserai assurément la question au ministre. Vous le savez, je ne peux m’avancer quant aux chiffres d’un futur financement.
Je souligne que, pas plus tard que la semaine dernière lors de la rencontre des ministres de la Défense des pays membres de l’OTAN, le ministre de la Défense nationale a annoncé que le Canada verserait une aide militaire de 35 millions de dollars à l’Ukraine, mais je ne manquerai pas de poser la question au ministre.
La justice
La Stratégie canadienne en matière de justice pour les personnes noires
L’honorable Paulette Senior : Sénateur Gold, voici une citation tirée du rapport Étapes pour un changement transformateur : Stratégie canadienne en matière de justice pour les personnes noires :
[...] le système de justice pénale, qui punit les membres les plus pauvres et les plus marginalisés de notre société et porte une histoire de racisme et d’oppression, deviendra juste et équitable et exempt de discrimination; autrement dit, un système de justice véritablement juste.
Sénateur Gold, j’oserais dire que nous, les membres des communautés noires et autochtones, attendons cette transformation depuis bien trop longtemps. Quand le financement de la Stratégie canadienne en matière de justice pour les personnes noires sera-t-il utilisé pour mener cette transformation?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.
Le gouvernement est très conscient que le racisme envers les personnes noires continue de sévir au Canada et que la discrimination systémique à l’égard des Canadiens de race noire persiste dans bon nombre de nos institutions, et il est déterminé à se doter d’un système de justice pour tous grâce à la Stratégie canadienne en matière de justice pour les personnes noires, dont vous avez parlé.
Madame la sénatrice, je ne peux avancer d’hypothèses sur le financement futur de cette stratégie, mais je tiens à vous assurer et à assurer le Sénat que le gouvernement est résolu à poursuivre ses efforts pour mettre en œuvre la Stratégie canadienne en matière de justice pour les personnes noires.
À eux seuls, la stratégie et les fonds qui y sont consacrés ne suffiront pas à opérer une transformation, mais ils constituent une étape nécessaire dans cette entreprise importante.
La sénatrice Senior : Sénateur Gold, le ministre de la Justice sait-il que cette feuille de route existe et qu’il est urgent de mettre en œuvre la stratégie? Dans la négative, en sera-t-il bientôt informé?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement est bien au fait de cette question et il est déterminé à mettre en œuvre la Stratégie canadienne en matière de justice pour les personnes noires.
Cela dit, je ferai part de vos préoccupations au ministre dès que possible.
Le Bureau du Conseil privé
Les institutions démocratiques
L’honorable Krista Ross : Sénateur Gold, dans le projet de loi C-4 récemment présenté par le gouvernement qui porte sur des mesures d’abordabilité pour les Canadiens, comme des réductions d’impôt et l’accession à la propriété, il y a une section sans rapport avec ces mesures qui protégera les partis politiques fédéraux contre les lois provinciales sur la protection des renseignements personnels. Non seulement cette disposition soustrait les partis politiques fédéraux à pratiquement toutes les lois sur la protection des renseignements personnels au Canada, mais elle s’applique aussi rétroactivement pour une période de 25 ans. Le texte de cette section n’était pas inclus dans la motion des voies et moyens et le ministre n’a pas mentionné ces modifications à la Loi électorale du Canada lorsqu’il a pris la parole au sujet du projet de loi à l’autre endroit vendredi.
Cela est très préoccupant étant donné que la Cour suprême de la Colombie-Britannique s’est prononcée contre les partis fédéraux en déclarant qu’ils sont assujettis aux commissaires provinciaux à la protection de la vie privée et à leurs décisions concernant l’utilisation des données canadiennes.
Ma question ne porte pas sur l’importance de cette section, mais sur la raison pour laquelle elle a été ajoutée à un projet de loi avec lequel elle n’a aucun lien et dont l’adoption est urgente. Pourquoi cette mesure ne peut-elle pas être étudiée séparément?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.
Comme vous le savez, si la motion dont j’ai donné préavis est adoptée, nous aurons tous l’occasion de poser cette question au ministre et aux fonctionnaires.
Il s’agit d’une disposition importante qui vise à renforcer la confiance dans le processus démocratique. Je suis sûr que vous et vos collègues avez lu la décision de la cour de la Colombie-Britannique et les remontrances qu’elle a adressées au gouvernement pour que cela se fasse rapidement, même si elle ne nous a pas donné d’échéance. Si vous vous rappelez les débats qui ont eu lieu dans cette enceinte sur cette question et sur un amendement proposé, vous comprendrez en partie pourquoi le gouvernement a estimé qu’il était important d’agir le plus tôt possible.
D’autres questions feront l’objet de discussions et d’analyses lorsque le ministre sera ici, comme il se doit.
La sénatrice Ross : Les dernières modifications apportées aux exigences en matière de protection de la vie privée dans la Loi électorale du Canada figuraient dans la loi d’exécution du budget en 2023. À l’époque, vous avez dit que le gouvernement présenterait un projet de loi pour garantir une approche uniforme, mais le projet de loi C-65 est mort au Feuilleton. En fait, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a également recommandé que cette question soit présentée dans un projet de loi distinct.
Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas présenté de nouveau ce projet de loi plutôt que d’ajouter cette mesure à d’autres mesures avec lesquelles elle n’a aucun rapport?
Le sénateur Gold : Encore une fois, j’encourage la sénatrice à poser cette question au ministre. Je me permets de rappeler à mes collègues les circonstances dans lesquelles la législature précédente s’est terminée, alors qu’aucune mesure législative ne pouvait être adoptée à l’autre endroit. J’attire bien sûr votre attention sur le calendrier qui a été fixé — dont je suis très conscient — et sur les priorités du gouvernement pour s’attaquer aux enjeux économiques.
Nous aurons l’occasion d’examiner ce dossier en temps voulu.
[Français]
La défense nationale
Les dépenses militaires
L’honorable Danièle Henkel : Sénateur Gold, je prends la parole pour la première fois dans cette Chambre avec émotion et gratitude, afin d’interroger le gouvernement sur un enjeu qui m’est cher : les réservistes de nos Forces armées canadiennes. On oublie trop souvent que ce sont eux que l’on mobilise lors des catastrophes climatiques; ce sont eux qui ont répondu présents dans les foyers pour personnes vulnérables quand la COVID a durement frappé nos communautés. Il va sans dire que l’annonce d’une augmentation importante du budget de la défense nationale, ô combien attendue, est une excellente nouvelle. À titre de lieutenante-colonelle honoraire du Régiment de Maisonneuve depuis plusieurs années, je voudrais savoir quelle part concrète du budget sera consacrée à la Force de réserve. Quels moyens seront alloués, par exemple, à l’équipement, à la formation et à la rémunération des réservistes? De plus, ce soutien sera-t-il durable?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Je suis flatté que votre première question s’adresse à moi. Le gouvernement connaît bien l’importance de la Force de réserve, dont le rôle est d’augmenter, de soutenir et d’appuyer la composante régulière des Forces armées canadiennes. Hier, cette Chambre a autorisé le Comité des finances nationales à étudier le Budget supplémentaire des dépenses (A) de 2025-2026. L’un des principaux postes de ce budget est l’octroi de 2,1 milliards de dollars pour permettre au ministre de la Défense nationale d’accélérer le recrutement de nouveaux membres de la Force régulière et de la Force de réserve, d’accroître sa capacité à offrir de la formation, de renforcer le maintien en poste des membres existants et d’améliorer les services de santé offerts à ses membres.
(1450)
La sénatrice Henkel : Sénateur Gold, je vous remercie de votre réponse. Néanmoins, en tant que femme d’affaires, j’ai appris qu’investir sans mesurer les résultats, c’est gaspiller son temps et son argent. Ici, il est question de l’argent des Canadiens. Disposez-vous donc d’une stratégie d’évaluation permettant de mesurer les résultats concrets et de déterminer, d’ici un an, deux ans ou plus, si ces fonds ont été utilisés de manière efficace et appropriée?
Le sénateur Gold : Le gouvernement est bien conscient de l’importance de l’évaluation basée sur les performances. Dans le cycle financier parlementaire, les Rapports sur les résultats ministériels sont dressés après la fin de chaque exercice. Ces rapports renferment de l’information sur les ressources utilisées durant l’exercice, ainsi qu’une comparaison entre les résultats obtenus et les projections contenues dans les plans ministériels correspondants.
[Traduction]
Le Cabinet du premier ministre
Les priorités du gouvernement
L’honorable Michael L. MacDonald : Sénateur Gold, la semaine dernière, le premier ministre Carney a déclaré qu’il n’imposerait pas de projet de pipeline à une province qui s’y oppose, insistant sur le fait qu’il doit y avoir un consensus entre les provinces avant d’aller de l’avant. C’est non seulement un faux pas politique, c’est aussi une contradiction constitutionnelle. L’alinéa 92(10)c) de la Loi constitutionnelle accorde clairement au gouvernement fédéral la compétence sur les infrastructures interprovinciales, y compris les pipelines. Cette compétence a été réaffirmée par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique et la Cour suprême du Canada dans l’affaire de l’oléoduc Trans Mountain. Même le gouvernement Trudeau avait précédemment confirmé cette compétence en approuvant ce projet d’oléoduc malgré les objections de la Colombie-Britannique.
Sénateur Gold, pouvez-vous expliquer pourquoi le premier ministre passe aujourd’hui outre cette autorité constitutionnelle claire et établie? Comment pouvons-nous bâtir une économie canadienne viable ou exploiter nos ressources naturelles si l’une ou l’autre des provinces peut mettre un veto à des projets d’importance nationale?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Il y a une différence entre les pouvoirs conférés dans La Loi constitutionnelle de 1867, leur évolution ainsi que leur interprétation par les tribunaux, et la réalité du fédéralisme coopératif au XXIe siècle. Les provinces ont leurs propres ressources, et le gouvernement fédéral a ses propres champs de compétence. Avec tout le respect que je vous dois, sénateur, il n’y a rien de contradictoire là-dedans.
Le premier ministre actuel respecte la compétence souveraine des provinces. Il respecte les droits, les droits inhérents et reconnus, des peuples autochtones. Il reconnaît le fait politique que nous devons travailler ensemble, par respect pour les différents gouvernements qui exercent leurs compétences sur leur territoire. En dépit des pouvoirs constitutionnels, ce gouvernement s’engage à collaborer avec les provinces, les territoires et les dirigeants autochtones pour le mieux-être de tous les Canadiens.
Le sénateur MacDonald : Nous devons également respecter l’autorité fédérale dans ce pays. Sénateur Gold, cette concession accorde arbitrairement aux provinces un pouvoir qu’elles ne possèdent pas en vertu de la Constitution. Elle crée un dangereux précédent pour l’unité nationale et le développement économique. Pour paraphraser Pierre Trudeau, le rôle du premier ministre n’est pas d’être « le laquais des provinces ».
Le gouvernement réaffirmera-t-il son pouvoir constitutionnel sur les projets interprovinciaux et s’engagera-t-il à diriger le pays en pensant à l’intérêt national plutôt qu’à apaiser les petites politiques provinciales au détriment de l’avenir du Canada?
Le sénateur Gold : Avec tout le respect que je vous dois, je n’accepte ni la prémisse constitutionnelle ni la prémisse politique de votre question. Il ne s’agit pas de renoncer au pouvoir constitutionnel, mais de l’exercer de manière respectueuse et responsable.
Les finances
Les plans ministériels
L’honorable Elizabeth Marshall : Ma question s’adresse au sénateur Gold et elle porte sur la transparence et la reddition de comptes.
Le 29 mai dernier, le Budget principal des dépenses 2025-2026 a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Cependant, nous avons besoin des plans ministériels 2025-2026 afin d’évaluer comment les ministères et les organismes dépenseront les fonds qu’ils demandent. Ces plans auraient déjà dû être déposés. Sans les plans ministériels, nous ne disposons que de chiffres sur une feuille de papier.
Sénateur Gold, pouvez-vous nous dire quand le gouvernement présentera les plans ministériels 2025-2026 afin que nous puissions entreprendre le travail que le Sénat nous a confié?
Une voix : Bravo!
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénatrice Marshall, je ne suis pas étonné que vous me posiez cette question, qui est légitime. Je n’ai malheureusement pas de réponse. Je ne manquerai pas, une fois de plus, de soulever cette question et cette préoccupation auprès du gouvernement dès que j’en aurai l’occasion.
En tant que représentant du gouvernement au Sénat et en tant que sénateur, je suis fier du travail que nous accomplissons, alors que nous devons souvent composer avec certaines contraintes, mais je ferai passer le message et j’espère que nous obtiendrons une réponse satisfaisante. Je suis convaincu que même s’il ne s’agit que de chiffres sur une page, sénatrice Marshall, vous creuserez en profondeur pour que nous comprenions bien les enjeux.
La sénatrice Marshall : Ma question complémentaire est la suivante, sénateur Gold. Nous disposons de données incomplètes dans le Rapport sur les résultats ministériels 2023-2024 — je vous ai déjà posé une question sur le sujet — et nous n’avons pas de Rapport sur la gestion de la dette pour 2023-2024 — j’ai aussi posé une question sur le sujet. On parle d’exercices financiers. Il ne s’agit même pas du dernier exercice financier, mais de celui d’avant.
Il n’y aura pas de budget, et nous n’avons pas de stratégie d’emprunt pour cette année, mais nous savons que le gouvernement doit emprunter des sommes considérables, il est donc très difficile de revoir les plans de dépenses...
Son Honneur la Présidente : Merci de votre question, sénatrice Marshall.
Le sénateur Gold : Sénatrice Marshall, je comprends votre question, même si tout le monde ne l’a peut-être pas bien entendue. La réalité, c’est qu’il s’agit d’un nouveau gouvernement et qu’il a un plan ambitieux visant à répondre aux défis existentiels relatifs au fonctionnement du monde et à la place du Canada dans ce monde. Encore une fois, je ferai part de vos préoccupations au ministre et j’attends avec impatience l’étude de cette question au Sénat.
Les services aux Autochtones
La Loi sur les Indiens
L’honorable Pat Duncan : Ma question s’adresse également au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, hier, la vérificatrice générale présentait un rapport accablant concernant le régime d’inscription de la Loi sur les Indiens, notamment au sujet des délais de traitement inacceptables et du manque de formation et de connaissances des décideurs qui traitent les demandes. En réponse aux conclusions de la vérificatrice générale, quelles mesures prendra Services aux Autochtones Canada pour améliorer les services aux inscrits légitimes en vue de l’adoption prévue du projet de loi S-2 et quand ces mesures seront-elles prises?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et d’avoir souligné l’importance du travail de la vérificatrice générale et de ses recommandations. Le gouvernement souscrit à ses recommandations. Les services d’inscription sont absolument essentiels pour permettre aux membres des Premières Nations d’avoir accès à toute une gamme de services et de programmes.
L’audit est sévère et souligne certains points à améliorer, mais on m’informe qu’on est en train de déployer des efforts importants pour corriger bon nombre des problèmes détectés. Il convient notamment de souligner que Services aux Autochtones Canada a décidé de passer d’un système de demande sur papier à un système numérique moderne, qui permettra de réduire les délais de traitement, de minimiser les erreurs et d’améliorer le service à la clientèle pour la délivrance du certificat sécurisé du statut d’Indien. On m’a informé que le gouvernement s’est engagé à travailler en partenariat avec les communautés des Premières Nations afin de garantir que les services d’inscription sont fournis avec intégrité, respect et une attention particulière à la clientèle.
La sénatrice Duncan : Sénateur Gold, compte tenu du cloisonnement existant au sein du gouvernement — nous avons, d’une part, l’adoption prévue du projet de loi S-2 qui devrait augmenter le nombre de personnes inscrites admissibles; et, de l’autre, la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones du Canada, qui fait l’objet d’une certaine controverse —, les responsables de ces deux dossiers ont-ils discuté ensemble des répercussions du projet de loi S-2?
Le sénateur Gold : Je ne suis pas en mesure de dire quelles discussions peuvent avoir eu lieu. Cependant, je peux assurer à cette assemblée que le gouvernement tient absolument à garantir que le gouvernement fonctionne de manière plus efficace et efficiente. Il demeure déterminé à faire progresser le travail crucial qu’il nous reste à effectuer pour améliorer nos relations avec les Premières Nations et les communautés autochtones.
(1500)
Les affaires mondiales
Le conflit dans la bande de Gaza
L’honorable Yuen Pau Woo : Sénateur Gold, j’aimerais profiter de l’occasion pour vous remercier et vous féliciter de vos cinq années au bureau du représentant du gouvernement, de vos neuf années en tant que sénateur et de toute une vie au service des Canadiens dans votre collectivité et partout au pays.
Je sais que les questions que je vous ai posées sur Israël et la Palestine vous ont peut-être causé un certain malaise, mais je vous assure que c’est la dernière fois que vous aurez à répondre à une question à ce sujet de ma part. Il y a quelques heures, plus de 20 sénateurs ont assisté à une séance d’information sur le sort des enfants en Ukraine et à Gaza. Nous avons appris que le Canada fait preuve d’un leadership exceptionnel afin de protéger les enfants ukrainiens et d’obtenir justice pour ceux qui ont été enlevés par la Russie. Un de nos collègues a posé une question sur des initiatives semblables concernant les enfants palestiniens. Personne ne pouvait même nommer une seule initiative. Le pouvez-vous?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour vos commentaires. Le gouvernement est très sensible au sort des civils innocents dans la bande de Gaza, comme à celui de toutes les personnes qui se retrouvent plongées dans une guerre dont elles ne sont pas responsables. Si je comprends bien votre question, je ne suis pas au courant de l’existence d’initiatives pour des enfants palestiniens qui auraient été enlevés, que ce soit dans la bande de Gaza ou en Cisjordanie. Cependant, le gouvernement est sensible au sort des soldats israéliens enlevés qui vivent toujours dans des tunnels, plongés dans l’obscurité et dans une angoisse permanente quelque 615 jours après le début de la guerre. Le gouvernement continuera de faire pression pour mettre fin à la guerre, pour que tous les otages soient libérés, pour qu’un cessez-le-feu soit décrété et pour que l’aide humanitaire à l’intention des civils innocents soit élargie.
Le sénateur Woo : Lors de la séance d’information, nous avons appris que des milliers d’enfants palestiniens sont détenus dans les prisons israéliennes, et les représentants de la dizaine d’organisations humanitaires, menées par Aide à l’enfance, qui ont assisté à la séance ont convenu qu’il y a un fossé immense et profond entre la façon dont le Canada a réagi à la crise dans la bande de Gaza et les mesures très louables et nécessaires qu’il a prises en Ukraine. Quelle est la raison de cette politique du deux poids, deux mesures et comment le Canada la défend-il du point de vue du droit international?
Le sénateur Gold : La position du Canada sur le conflit au Moyen-Orient est conforme au droit international, et le gouvernement estime qu’il n’y a pas en l’occurrence deux poids, deux mesures. Les circonstances de chaque conflit, aussi tragiques soient-elles pour toutes les personnes qui s’y trouvent plongées, doivent être appréhendées dans toute leur complexité et leur spécificité.
L’emploi et le développement social
La prestation canadienne pour les personnes handicapées
L’honorable Andrew Cardozo : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement et elle concerne la Prestation canadienne pour personnes handicapées. J’aimerais d’abord revenir sur les observations formulées hier et vous remercier, monsieur, pour votre dévouement au service du Sénat en veillant à son efficacité et pour avoir ainsi servi le Canada.
Vous savez sans doute que la procédure de demande de la Prestation canadienne pour personnes handicapées est coûteuse et requiert de faire remplir un formulaire par un médecin. Le gouvernement a prévu des fonds pour aider les demandeurs à répondre à cette exigence. Cependant, le processus pour demander ces fonds ne fonctionne pas, alors que le versement de la prestation doit commencer dès le mois prochain. Pouvez-vous faire comprendre au gouvernement l’urgence de la situation pour les Canadiens qui ont présenté une demande?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La réponse est oui. Le gouvernement et le premier ministre ont clairement indiqué qu’ils s’efforçaient de mettre en œuvre les programmes de la manière la plus efficace possible. Comme les sénateurs le savent, le premier ministre a chargé tous les ministres de déterminer comment leur ministère pouvait contribuer à la réalisation des priorités du gouvernement. Ils doivent notamment veiller à ce que les fonds destinés aux opérations soient dépensés de manière efficace et efficiente. Je ne manquerai pas d’aborder cette question avec la ministre dès que possible.
Le sénateur Cardozo : Je vous remercie, sénateur Gold. Si le processus ne fonctionne pas pour toutes les personnes qui désirent demander la prestation d’ici juillet, et il semble que ce sera le cas, pourriez-vous demander au gouvernement de fournir, dans les prochains mois, des paiements rétroactifs qui remontent à juillet aux bénéficiaires qui auront eu du mal à accéder au système?
Le sénateur Gold : Je vais certainement ajouter cela à ma demande de renseignements auprès de la ministre.
Le Cabinet du premier ministre
Les secrétaires d’État
L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, lorsque le premier ministre Carney a nommé le Cabinet, il s’est vanté de sa petite taille et de son efficacité. Il a nommé 28 ministres, qui ont tous un cabinet, un supplément salarial, un véhicule automobile et un service de chauffeur. De plus, il a nommé 10 secrétaires d’État, qui touchent tous un supplément salarial également. Lorsque je vous ai posé la question récemment, vous n’avez pas pu me dire à combien s’élève ce supplément, ni quelles sont exactement les fonctions des secrétaires d’État, ni si on leur fournit un cabinet, un véhicule automobile et un service de chauffeur. Cela dit, l’assiette au beurre n’arrête pas là. Voilà que le premier ministre libéral a nommé secrétaires parlementaires le tiers des députés d’arrière-ban libéraux, titre qui s’accompagne d’un supplément salarial de plus de 20 000 $. Même les secrétaires d’État ont un secrétaire parlementaire. Le premier ministre Carney est officiellement devenu l’Oprah Winfrey des premiers ministres : une auto pour vous, et une auto pour vous! Combien cet élan de générosité du premier ministre libéral coûtera-t-il aux contribuables canadiens?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : C’est une très bonne formule, sénatrice Batters. Je peux toujours compter sur vous pour faire pression sur le gouvernement. Les secrétaires parlementaires font un travail important au nom des ministres qu’ils appuient. Dans bien des cas, ils remplacent le ministre lorsque celui-ci a d’autres engagements, et ils jouent un rôle important pour veiller à ce que le gouvernement et le Cabinet travaillent dans l’intérêt des Canadiens. Je n’ai pas le montant que vous demandez, mais je peux vous assurer que le gouvernement s’organise pour offrir aux Canadiens un gouvernement efficace et qu’il continuera de travailler en ce sens.
La sénatrice Batters : Sénateur Gold, la Saskatchewan est la seule province à ne pas avoir de représentant parmi les ministres à part entière. Nous avons un seul secrétaire d’État, et il ne siège pas au Cabinet. Par conséquent, lorsque le gouvernement libéral actuel ne vous informe pas adéquatement pour répondre à ces questions, c’est injuste pour vous et pour les Saskatchewanais qui veulent des réponses. À quoi servent ces secrétaires d’État? Ont-ils leurs propres ministères et leurs propres budgets? Quel est leur salaire. Ont-ils une voiture et un chauffeur? Sénateur Gold, le temps presse. Nous voulons des réponses maintenant.
Le sénateur Gold : Merci. Je vais certainement poser ces questions. Je ne suis pas en mesure d’y répondre maintenant, mais j’imagine que ces réponses seront rendues publiques en temps et lieu. Entretemps, je vais certainement me renseigner.
Son Honneur la Présidente : Chers collègues, au cours des 70 premières minutes de la séance, j’ai entendu trois téléphones sonner. Je vous rappelle de vérifier vos téléphones pour vous assurer qu’ils sont bien en mode silencieux.
[Français]
Merci beaucoup. Je souhaite que vous puissiez respecter cela.
ORDRE DU JOUR
La Loi sur les Indiens
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’honorable Michèle Audette propose que le projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (nouveaux droits à l’inscription), soit lu pour la deuxième fois.
[Note de la rédaction : La sénatrice Audette s’exprime en innu-aimun.]
— Honorables sénateurs, le peuple anishinabe m’accueille depuis 2021. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à ses membres la permission de caresser leur territoire en tant que sénatrice jusqu’à mes 75 ans, si la santé me le permet.
C’est aussi un territoire où se côtoient plusieurs cultures. Il est rempli d’histoires, de traditions et de récits, et il a été le témoin de nombreux efforts de mobilisation. Je remercie le peuple anishinabe.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour vous parler du projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (nouveaux droits à l’inscription).
C’est la première fois qu’un projet de loi vient corriger la Loi sur les Indiens. Il est marrainé par une ministre provenant de la Première Nation crie et par une sénatrice innue du Québec. Nous écrivons donc une page d’histoire, elle et moi, et j’espère que nous collaborerons pendant longtemps. J’espère que mes filles entendront parler de ce bon coup.
Je vais essayer de vous laisser du temps pour poser des questions; si je n’y arrive pas, je m’en excuse à l’avance. J’espère que vous comprendrez également que je n’aurai pas réponse à toutes vos questions. J’espère que les ministres, les ministères et le Cabinet écoutent attentivement nos échanges.
(1510)
Bien entendu, je me présente devant vous avec beaucoup de détermination, parce qu’il ne s’agit pas seulement d’un projet de loi ou d’un texte; c’est aussi le début d’une réponse — une réponse à des décennies d’injustices que des gens, des humains, des hommes et des femmes ont vécues et continuent de vivre.
D’ailleurs, Kathryn est parmi nous aujourd’hui. Je la remercie.
Ce projet de loi vise à accorder de nouveaux droits à l’inscription au registre des Indiens en réponse à la contestation de certaines dispositions d’une loi archaïque qui ont été jugées discriminatoires en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés dans le contexte de l’affaire Nicholas c. Canada.
Ces personnes touchées par l’émancipation ont intenté une poursuite contre le Canada devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique. La poursuite civile Nicholas c. Canada a été déposée en juin 2021. Les plaignants et les plaignantes, dont plusieurs sont des descendants de personnes qui ont été émancipées par la politique coloniale, attendent patiemment que justice soit rendue.
Je dis ceci à ces personnes : je vous entends.
Je dis à Kathryn et à toute sa famille que je les entends et que je comprends leur combat. Je le comprends.
Chers collègues, à vous qui siégez ici, dans cette Chambre que je trouve importante, je dois dire que, dans cette affaire, le procureur général du Canada a admis il y a quelques jours que la loi contestée enfreint de manière injustifiée le paragraphe 15(1) de la Charte des droits et libertés.
C’est rare que l’on entend dire cela. Une telle concession est exceptionnelle, à mon avis.
Le juge examine actuellement la possibilité de suspendre la déclaration d’invalidité, ce qui donnerait au Parlement le temps d’adopter le projet de loi S-2. Cela signifie que le tribunal attend de voir si nous, en tant que législateurs, allons agir.
Vous comprendrez pourquoi l’adoption de ce projet de loi n’est pas seulement symbolique, mais nécessaire. C’est important d’agir maintenant, et il ne faudrait pas manquer cette chance ou cette occasion d’harmoniser les lois avec la justice, l’égalité et la Charte. Nous devons faire en sorte que la loi ne sépare plus les familles ni les prive de leur droit à leur identité légitime. Il faut leur montrer, à ces personnes qui ont attendu longtemps, que leur patience et leur persévérance ont valu la peine.
Le projet de loi S-2, c’est aussi l’occasion de corriger cette douloureuse injustice qui a été mise en lumière par la poursuite Nicholas.
À qui s’adresse ce projet de loi, et pourquoi est-il présenté maintenant?
Je vais vous expliquer pourquoi le projet de loi devrait être adopté. Il comporte une partie ayant trait à l’émancipation, qui est très importante pour les féministes. Pour ma mère innue, tout cela a fait très mal et nous en subissons encore les conséquences.
La partie traitant de l’émancipation garantirait que les personnes qui ont des antécédents familiaux en matière d’émancipation soient traitées de la même manière que ceux et celles qui n’en ont pas, en vertu de la Loi sur les Indiens.
Pour la partie ayant trait à la désinscription individuelle sur demande, les personnes qui souhaitent que leur nom soit retiré du registre des Indiens pourraient demander leur désinscription.
Qu’est-ce que cela veut dire? On se bat pour faire partie du registre ou y être inscrit de nouveau. Si je tombe amoureuse d’une personne qui est membre du peuple navajo, aux États-Unis, je ne peux pas être citoyenne dans son gouvernement, parce qu’on n’accepte pas le « double membership ». Je vais me servir du jargon de la Loi sur les Indiens.
Actuellement, je ne suis pas en mesure de me désinscrire de la Loi sur les Indiens et de faire ma demande en vue de vivre là-bas avec ma famille. Ce projet de loi pourrait assurer cette désinscription et permettrait d’être reconnu dans une autre nation. Si l’on se sépare, à la suite d’un décès ou pour une autre raison, et si je reviens sur mon territoire, je serai automatiquement réinscrite.
Pour la partie qui concerne la perte de l’appartenance à la bande natale, il s’agit d’une loi très paternaliste. J’utiliserai encore une fois le jargon de la Loi sur les Indiens. Une femme qui épousait un Indien d’une autre bande, d’une autre réserve ou d’une autre communauté changeait automatiquement de statut sans son consentement. Elle était inscrite dans la bande du mari. Aujourd’hui, cela veut dire que c’est aussi le cas pour tous les enfants et les descendants. Malgré un décès, un divorce ou une séparation, la femme devait tout de même rester dans cette bande.
Enfin, cette partie pourrait permettre aux femmes, aux enfants et aux descendants, s’ils le souhaitent, bien sûr, de retourner à leur bande natale.
Bien sûr, il y a une autre partie qui a trait à la suppression de termes obsolètes et offensants et qui supprimerait des références comme celle des « Indiens mentalement incapables ».
Bien évidemment, je ne peux pas rester silencieuse.
[Traduction]
Je ne peux pas dire que le projet de loi est parfait. C’est ce que j’aimerais dire, d’abord à moi-même, mais aussi à ma mère et à beaucoup de personnes qui m’entourent.
Les femmes autochtones, les femmes des Premières Nations, se battent depuis trop longtemps. Elles s’adressent aux tribunaux et contestent les décisions judiciaires, mais sans argent ni soutien. Elles doivent même se battre contre leurs frères, leur père ou des membres de leur propre nation. Le plus triste, c’est que la situation est devenue très difficile quand le Programme de contestation judiciaire a pris fin. Je vis avec cette frustration en permanence.
Il faut toujours attendre une décision judiciaire pour que des changements soient apportés à la Loi sur les Indiens. Pourquoi?
[Français]
J’aimerais vous parler d’une section que la juge Masse a incluse dans sa conclusion dans la décision Descheneaux c. Canada. Il s’agit du paragraphe 235 :
Il n’exempte pas pour autant le législateur de prendre les mesures appropriées afin d’identifier ou de régler toutes les autres situations discriminatoires pouvant découler de la problématique identifiée, fondées sur le sexe ou sur d’autres motifs prohibés, et ce, en conformité avec son obligation constitutionnelle de s’assurer que les lois respectent les droits consacrés à la Charte canadienne.
Cette décision date de 2015, pas de 1860.
Je viens d’un peuple nomade et millénaire innu. Dans nos protocoles, nos lois, nos règles, nos codes et nos façons d’être, il y a eu une époque où, pour les hommes et les femmes, les rôles étaient clairs. Nos relations avec le territoire, les protocoles ou les lois étaient sacrées. Toutefois, du jour au lendemain, une loi s’est imposée sans consentement éclairé — on ne m’a pas demandé mon avis ni celui de mon arrière-grand-mère —, soit l’Acte pour encourager la civilisation graduelle des tribus sauvages de 1857. On croit beaucoup aux traditions ici. Cette loi a fait mal par rapport à une tradition coloniale. Rien n’était caché, comme on peut le constater en voyant le nom de la loi.
Plus tard, il y a eu aussi un objectif très ouvert d’assimilation. Je vais citer un ancien haut fonctionnaire. En 1920, Duncan Campbell Scott, qui travaillait pour les Affaires indiennes, affirmait clairement ce qui suit :
Notre objectif est de continuer jusqu’à ce qu’il n’y ait plus un seul Autochtone au Canada qui n’ait pas été assimilé dans le corps politique, qu’il n’y ait plus de question autochtone ni de ministère des Affaires indiennes. Voilà l’objectif du projet de loi.
Vous comprendrez que nous faisons face à des racines coloniales qui sont encore présentes dans les politiques et dans les lois.
Le projet de loi S-2 poursuit sur la lancée du travail amorcé par beaucoup de personnes au moyen des projets de loi C-31, C-3 et S-2.
(1520)
Pour celles et ceux d’entre nous qui se souviennent du rapatriement de la Constitution, pour les femmes, que l’on appelait à l’époque des « femmes indiennes », c’était devenu un outil important, parce qu’on parlait du droit à l’égalité dans la Charte. C’est ce qui a poussé le gouvernement fédéral à présenter le projet de loi C-31, qui a permis à ma mère et à des milliers de femmes de retrouver leur statut de femmes indiennes, qu’elles avaient perdu parce qu’elles avaient épousé un Québécois, un natif de Thunder Bay ou encore un « non-Indien ».
Jusqu’en 1985, on a également accueilli des Canadiennes et des Québécoises, on leur a donné un statut de femme indienne et, une fois cette loi adoptée, on ne leur a pas dit : « Désolé, mais vous devez partir »; on a plutôt considéré cela comme des droits acquis. Cela se passe encore en 2025. Cela résulte en une manière complexe de voir les choses, mais on peut le comprendre, car on le vit, puisqu’il existe toujours un « statut à deux niveaux » en raison des paragraphes 6(1) et 6(2) du projet de loi C-31 de 1985.
[Traduction]
Cela n’existait pas avant 1985. De plus, avant 1985, si j’accouchais d’un enfant, on ne me demandait pas qui était le père. Toutefois, depuis 1985, on me demande d’identifier le père. Que se passe-t-il s’il s’agit d’un cas de viol ou d’inceste, si le père est décédé, si je suis victime de violence ou si je ne veux tout simplement pas donner son nom? Ottawa présumera que le père est un Indien non inscrit. Encore là, si je suis visée par l’article 6(2) — la deuxième génération —, mon bébé ne sera pas reconnu.
Comme vous le savez, je viens de Schefferville, dans le Nord, où il faut se rendre en train ou en avion. La collectivité aura le droit de refuser des services à mes enfants. Cependant, que se passerait-il ici si une femme se rendait à l’hôpital et que la personne qui l’accueille lui disait : « En passant, avant de vous fournir des services, je dois savoir qui est le père de vos enfants. »
[Français]
Je ne pense pas que cela passerait, alors que pour nous, c’est encore le cas.
Des histoires, des blessures et des cicatrices comme celles-là, on doit les porter tous les jours. On les porte aussi parce qu’à cette époque, le gouvernement fédéral a négocié derrière les murs avec les Chefs, qui étaient majoritairement des hommes, pour dire : « Nous n’avons pas le choix, nous devons réinscrire ces femmes et leurs enfants, mais nous allons vous donner la possibilité de créer votre propre code d’appartenance », et ce, dans l’espoir qu’il soit restrictif, entendons-nous. « C’est quand même le ministère qui va approuver tout cela. » On vient alors de créer une autre forme de discrimination : « Qui est Indien et qui ne l’est pas? On donne un certain pouvoir, mais on le restreint à une bande, sinon on les inscrit dans le registre à Ottawa. »
C’est ce qui a mené Sharon McIvor, une femme des Premières Nations de la Colombie-Britannique, à se mobiliser. Ella a contesté certaines dispositions de la Loi sur les Indiens en les comparant à celles qui avaient trait aux hommes autochtones. En 2007, la Cour suprême de la Colombie-Britannique lui a donné raison en confirmant qu’il s’agissait d’une discrimination basée sur le sexe.
Pourtant, en 1985, on nous disait que la question avait été réglée. Dans cette même affaire, une autre partie a décidé de contester la décision. Elle s’est alors retrouvée devant la Cour d’appel en 2009. Je fais une petite parenthèse : à cette époque, j’avais déjà cinq enfants. Pour en revenir à cette affaire devant les tribunaux, la Cour d’appel a rendu une décision plus restreinte, comme si la discrimination avait commencé en 1951, alors que ce n’était pas du tout le cas. Plus tard, en 2011, on a présenté le projet de loi C-3, au moyen duquel le Canada devait répondre à cette décision. À partir de là, les débats sur le projet de loi C-3 ont commencé et, par chance, cette loi a fini par être adoptée.
Certaines et certains d’entre vous connaissent un peu mon style et savent que lorsque j’étais de nature plus militante, quand j’étais plus jeune, j’ai appelé à Ottawa après avoir lu le communiqué de presse et j’ai posé une question.
[Traduction]
« Puis-je parler au père en fiducie de tous les Indiens? »
[Français]
Par la suite, j’ai téléphoné au ministère des Affaires autochtones et du Nord du Canada, qui s’appelait autrefois le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. La personne a demandé : « Qui? »
[Traduction]
J’ai dit : « Je suis une Indienne inscrite. Puis-je parler au père en fiducie de tous les Indiens? »
[Français]
Je voulais leur faire comprendre qu’il y avait une décision de la cour qui était importante pour des centaines de femmes, de filles et d’enfants comme moi, et je voulais savoir ce que tout cela allait changer dans nos vies. Ma liste de questions était longue, parce que beaucoup de femmes participaient au débat. Malgré cela, le retour d’appel était trop simple : « Non, non, cela ne va pas régler la question. Non, pas le paragraphe 6(2). » La plupart du temps, on m’a dit « non ». J’ai répondu : « Parfait, j’arrive. Je vais mettre mes chaussures et me rendre à Ottawa en marchant pour dénoncer la Loi sur les Indiens. »
Ainsi, le 4 mai 2010, je suis partie de Wendake en compagnie d’autres femmes; nous avons marché pour aller écouter les débats sur ce projet de loi à l’autre endroit au mois de juin. Les pressions étaient fortes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Parlement. Je veux d’ailleurs remercier l’honorable Chuck Strahl, ministre à l’époque, qui est assurément bien entouré aujourd’hui de ses ancêtres et des gens qu’il aime. Cela n’a pas été facile. Il a répondu tous les jours à nos appels et à nos demandes pendant cette grande marche de mobilisation. Heureusement, le projet de loi a été adopté, mais encore une fois, il l’a été de façon trop restreinte, même si l’on avait la possibilité de faire de grands changements.
Le projet de loi S-3 a été présenté en 2019. On se souviendra du travail de notre collègue l’honorable Lillian Eva Dyck, qui a travaillé très fort pour défendre ce projet de loi et le pousser le plus loin possible. Encore une fois, cela s’est fait de manière restreinte. En même temps, en 2025, la juge dans l’affaire Descheneaux c. Canada (Procureur Général) a elle-même conclu que les articles de la Loi sur les Indiens étaient inconstitutionnels. Ils violaient l’article 15 de la Charte canadienne, ils perpétuaient des distinctions sexistes entre les descendants d’hommes et de femmes ayant perdu leur statut et ils alimentaient une discrimination fondée sur la lignée familiale. Merci, monsieur Descheneaux, monsieur Dubé et madame Yantha, d’avoir amené le dossier devant les tribunaux. On ne devrait pourtant pas devoir se rendre jusque-là.
Puis, en 2020, le rapport final au Parlement sur l’examen du projet de loi S-3 a reconnu que des iniquités résiduelles subsistaient dans la Loi sur les Indiens. Je remercie mes collègues du Comité des peuples autochtones, qui ont également présenté dans ce rapport des conclusions selon lesquelles des injustices relatives à l’inscription persistaient et continuaient de porter préjudice aux femmes des Premières Nations et à leurs descendants.
En juin 2025, 160 ans plus tard, je suis ici devant vous dans l’espoir que cette longue discrimination qui nous a été imposée soit enfin réglée. On nous dit souvent que nous sommes égaux, mais dans les faits, nos mères, nos sœurs et leurs enfants continuent d’être traités différemment. Cela, pour moi, n’est pas la définition de l’égalité; c’est plutôt la définition d’une discrimination fondée sur le sexe. Seulement parce que je suis une femme innue, en vertu de la loi, on dira, conformément au paragraphe 6(1), que je suis une Indienne, mais je continue d’être discriminée. Nous le sommes toutes.
Les conséquences sur les statuts sont donc directes, mais cela a été le premier choc que nous avons vécu, celui de nous couper de notre culture, de notre identité culturelle et de notre relation avec le territoire, de pouvoir entendre notre langue ou de la parler, comme l’innu-aimun, mais aussi de participer à la vie démocratique de notre nation, de notre communauté. Je n’ai pourtant pas ce droit, nous n’avons pas ce droit. Chaque fois que le gouvernement prend connaissance d’une décision, il fait tout au cas par cas. J’entends dire cela depuis 30 ans.
[Traduction]
Comme vous le savez, il y a beaucoup de cas, alors nous allons attendre. Nous verrons bien.
[Français]
Par conséquent, tous les outils juridiques en place pourraient faire en sorte de vraiment changer les choses. Je suis d’une culture où la parole est une vérité et où les récits ont force de loi. Pour moi, ici aussi, les récits sont importants.
(1530)
Le récit de Kathryn Fournier, qui est parmi nous aujourd’hui, est aussi influencé par ce projet de loi. Son grand-père Maurice Sanderson a fréquenté lui aussi un pensionnat pour Autochtones. En raison des dispositions de la Loi sur les Indiens, il ne pouvait pas acheter de terrain ou de maison et il n’avait pas le droit de vote. Il fallait qu’il soit émancipé. En 1922, après avoir subi des sévices et des agressions dans les pensionnats autochtones, son grand-père a fait un choix étrange et difficile. Il a décidé d’émanciper sa femme et ses enfants. J’ignore si cela s’est fait avec ou sans leur consentement. C’est le genre d’histoire que l’on entend.
Après la présentation du projet de loi C-85, Kathryn et sa mère ont tenté de se réinscrire. Elles ont constaté qu’il y avait encore des injustices. Sa mère, Edith, qui est dans le monde des esprits aujourd’hui, s’était jointe à la contestation fondée sur la Charte avec l’arrêt Nicholas en tant que demanderesse. Aujourd’hui, sa fille poursuit ses efforts. Cela explique sa motivation de continuer et de nourrir son espoir, non seulement pour elle, mais aussi pour ses enfants et ses petits-enfants. Je le ferais aussi pour ma mère. Pouvoir dire qui je suis, afin que mes enfants puissent dire qu’ils en sont fiers, c’est important pour mon identité. Ce n’est pas une simple modification qui me permettra de m’inscrire au sein de ma bande ou de me réapproprier le droit à l’inscription, mais cela me permettra de renouer avec mon patrimoine, mon histoire, ma langue, ma culture et mon identité.
C’est la même histoire que celle d’une autre demanderesse, Nadia S’Ahn N’Ahn Guu’as, de la Colombie-Britannique, et de son jeune frère, qui se sont vu refuser l’inscription à plusieurs reprises, sans trop comprendre pourquoi. Pourtant, tout récemment, la nation haïda a adopté une loi afin de reconnaître Nadia et sa fille. Même le village d’Old Massett, qui est assujetti à la Loi sur les Indiens, reconnaît Nadia. Pourquoi ne peut-on pas faire cela avec la Loi sur les Indiens? Le projet de loi S-2 pourrait permettre à Nadia et ses enfants d’être reconnus, plutôt que de recevoir une lettre du gouvernement lui disant que l’on refuse sa demande, qu’elle ne peut pas être reconnue, qu’elle n’est pas Autochtone, et cetera. Imaginez les conséquences que cette situation a eues sur elle et sur d’autres personnes dans les communautés qui nous disent qu’elles ont encore essuyé un refus. C’est difficile, mais c’est réel.
J’espère que ce projet de loi sera étudié, puis débattu en comité, pour être enfin adopté, afin que l’on puisse redonner leur dignité à toutes ces personnes. Je ne peux rester les bras croisés. La situation est urgente. Une affaire est actuellement en suspens en Colombie-Britannique. Ils attendent de connaître notre position.
Je m’engage à ce qui suit, comme je le fais toujours et comme je vais continuer de le faire : bien qu’il s’agisse d’un projet de loi en soi, ma promesse vis-à-vis de mes enfants, et comme ancienne commissaire, est de poursuivre les démarches vers l’autodétermination, pour que nos nations puissent décider qui est membre citoyen, avec des droits et responsabilités. J’ai marché pour mon fils en 2010 afin qu’il ait le choix de s’inscrire. Je lui disais : « Amun, si jamais on signe une entente d’autonomie gouvernementale, tu seras hors d’ici. Tu ne seras pas considéré. » Vous comprenez maintenant pourquoi il est important pour plusieurs familles de se retrouver inscrites dans ces registres. Elles y ont droit. Il s’agit d’un pas de plus sur ce chemin que des femmes, des hommes et des personnes aux deux esprits ont ouvert bien avant moi. Je dois continuer d’honorer cela. J’espère que vous marcherez avec nous.
Le chemin a été douloureux et il l’est encore. Il s’est fait dans la résistance, mais aussi dans la bienveillance et avec beaucoup d’amour de la part de nos familles. Nous désirons uniquement l’égalité, ni plus ni moins. Nous y avons droit. Ce que l’on corrigera avec ce projet de loi, ce sont des injustices qui n’auraient jamais dû exister. Ce projet de loi est une réparation.
À l’âge de 27 ans, je suis venue ici. Je m’étais dit qu’un jour, lorsque je serais vieille, je viendrais ici. Je voulais être sénatrice pour modifier cette loi.
[Traduction]
C’est la première fois qu’un projet de loi est marrainé par une ministre autochtone, en l’occurrence Mandy Gull-Masty, qui est crie, avec l’aide d’une sénatrice innue. Oui, je pense que nous savons de quoi nous parlons. Nous savons aussi que ce projet de loi ne va pas assez loin, mais qu’il est urgent d’agir. Nous savons tout cela.
Nous sommes deux femmes avec des histoires différentes, mais nous sommes animées par la même soif d’équité, d’égalité et, bien sûr, la volonté de rendre à nos peuples ce qu’on leur a pris.
Il faut du courage pour se tenir debout. J’ai ce courage. Parfois, je ne me sens pas courageuse, mais je suis humaine. J’espère toutefois que nous réussirons à changer les choses ensemble. Le débat est important et nous devons entendre les préoccupations de chacun, mais je soutiens le projet de loi dans sa version actuelle. Si nous pouvons l’améliorer, j’en serai bien sûr ravie, mais il faudra en discuter.
[Français]
L’honorable Lucie Moncion : Sénatrice Audette, permettez-moi tout d’abord de vous féliciter pour la langue que vous avez choisie de parler dans votre discours. Vous avez été écoutée. Je vous félicite également de l’approche pédagogique que vous avez utilisée pour nous faire comprendre la situation dans sa totalité.
Ce projet de loi réglera-t-il le problème ou restera-t-il encore plusieurs choses à corriger?
La sénatrice Audette : Il reste plusieurs choses à régler. La liste est répétée chaque fois qu’une décision juridique est rendue. Les mémoires répètent toujours le même message. Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes des Nations unies a récemment publié un rapport qui réaffirme que la discrimination perdure. Il est urgent de faire ce travail. Si vous le désirez, je peux vous préparer une note détaillée pour exposer les mémoires que vous pourriez lire.
(1540)
La sénatrice Moncion : J’ai une question complémentaire au sujet de cette partie. Quand vous dites que plusieurs choses ne sont pas encore claires en ce qui concerne la loi, est-ce que ce sont des choses qu’on peut modifier, ou est-ce que vous préférez que la loi soit adoptée telle quelle pour ensuite continuer le travail afin d’y apporter des améliorations au fil du temps?
La sénatrice Audette : Comme je ne suis ni juriste ni avocate, je vais vous faire part de ma perception. Je n’ai pas eu de réponse officielle, mais le fait que la cour en Colombie-Britannique ait accepté de faire une pause dans l’affaire Nicholas c. Canada (Procureur général) me pousse à penser que si la personne saisie de l’affaire refuse la prolongation pour que l’on puisse faire notre travail de législateurs, ce ne sont que les gens de la Colombie-Britannique qui pourront être réinscrits dans leur communauté d’origine, parce que l’affaire se trouvait devant une cour de la Colombie-Britannique. Je crois comprendre que, bien qu’il y ait des gens partout au Canada qui sont touchés par cette affaire ou qui font partie du litige, nous devrons porter notre cause devant chaque cour provinciale pour refaire un portage qui est déjà commencé. Cela coûte cher et cela risque de porter préjudice à plusieurs personnes.
L’honorable Patrick Brazeau : Est-ce que la sénatrice accepterait de répondre à une autre question?
Tout d’abord, félicitations pour votre discours et pour avoir marrainé le projet de loi. Je sais à quel point il est important de le faire quand on est ici et qu’on a la chance de le faire.
Ma question sera très simple, et vous n’aurez probablement pas la réponse, mais ma question vise plutôt à donner un peu de contexte sur tout ce dossier.
Vous avez mentionné des changements qui se sont produits en 1985. C’est à ce moment que j’ai eu mon statut, parce que pour une partie de ma vie, je n’étais pas un Indien, et tout à coup, je le suis devenu. Il y a eu aussi des changements en 2011, en 2018 et maintenant. J’avais 10 ans en 1985, alors je suis au courant de ce dossier depuis 40 ans. Je suis encore jeune, mais cela fait longtemps que je suis ici.
Je pense qu’il est important pour tous nos collègues de savoir que ce n’était pas le gouvernement fédéral au pouvoir à ces dates qui déposait ces projets de loi par bonté d’âme. En 1985, les membres des Premières Nations qui avaient dénoncé tous les effets discriminatoires de la Loi sur les Indiens ont reçu comme réponse qu’ils devaient attendre et que les solutions viendraient.
De 1985 à 2011, nous avons attendu. En 2011, le gouvernement a répondu qu’il savait qu’il y avait encore de la discrimination, mais que les solutions viendraient. Nous sommes maintenant en 2025. Je pense que souvent, quand les gouvernements répondent de cette façon, c’est parce qu’ils ont perdu en cour. S’ils ont perdu en cour, cela veut dire qu’ils ont utilisé l’argent des contribuables pour lutter contre nos droits.
Est-ce qu’on peut demander au ministère de nous dire combien le gouvernement fédéral a dépensé depuis 1985 pour lutter contre des questions de statut en vertu de la Loi sur les Indiens?
La sénatrice Audette : Oui, je vais faire la demande. Je nous souhaite qu’ils nous écoutent et qu’ils entendent la question, parce qu’elle est importante. Comme vous l’avez dit, on ne le sait pas. On se le demande depuis longtemps.
Je vous remercie de la question.
Le sénateur Brazeau : J’ai une deuxième question. Comme je l’ai dit, cela fait longtemps que je suis ici, mais vous aurez peut-être la réponse à ma question. En 2025, c’est encore le ministre des Affaires autochtones qui décide qui est un Indien dans ce pays et qui ne l’est pas. Avez-vous déjà vu la définition ou les critères que le ministre des Affaires autochtones utilise pour prendre ces décisions?
La sénatrice Audette : Cette question a été posée aux représentants du ministère durant les rencontres. J’attends qu’on me dise comment les choses se font et qu’on m’explique la formation. On m’a expliqué que maintenant, il y a des centres d’amitié, des groupes de femmes et des organisations autochtones, partout au Canada, qui sont certifiés et formés et qui ont pour mandat d’aider les gens à remplir leur demande d’inscription. Cela signifie donc qu’il y a des critères. Toutefois, selon mon interprétation, les registraires disposent d’une marge discrétionnaire assez impressionnante.
Ce sont donc pour moi des questions légitimes qui méritent une réponse, et ce sont eux qui devront répondre.
[Traduction]
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : J’ai une question à poser avant de proposer l’ajournement du débat à mon nom. Sénatrice Audette, je n’ai pas assisté à la séance d’information technique, mais un de mes employés y était. D’après ses notes, j’ai une question concernant les consultations qui ont eu lieu. Les fonctionnaires ont dit que ce processus était en cours et qu’ils avaient reçu 60 propositions distinctes de 80 groupes autochtones. On étudie actuellement ces propositions afin de trouver une solution législative à long terme.
Je me demande simplement s’il y a eu suffisamment de consultations. Le processus est-il toujours en cours? Devrions-nous nous inquiéter de l’ampleur des consultations effectuées? Par ailleurs, si les consultations n’ont pas encore permis de trouver une solution, il me semble que les choses fonctionnent un peu de travers. Je me demandais si vous étiez satisfaite du processus de consultation.
La sénatrice Audette : Je ne suis pas satisfaite parce que je n’ai pas tout lu. Lorsque j’ai signalé mon intérêt envers ce projet de loi, j’ai rencontré la personne responsable dès le lendemain. Ce fut une bonne conversation, franche et honnête. On m’a dit qu’il y aurait une forme de séance d’information, d’exposé de position ou de documentation provenant des organisations communautaires. J’attends encore la liste de ces organisations et leurs recommandations ou suggestions.
Nous avons insisté sur le fait que l’approche la plus populaire n’est peut-être pas la meilleure, mais qu’il fallait s’assurer qu’elle reflète ou réponde aux changements dont nous avons besoin.
Je n’ai pas vu le mémoire, les documents, ni l’exposé de position. J’espère que je vais les recevoir, qu’ils vont arriver. Je suis là et je ne vais pas laisser tomber.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Le Budget des dépenses de 2025-2026
Autorisation au Comité des finances nationales d’étudier le Budget supplémentaire des dépenses (A)
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 10 juin 2025, propose :
Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales, dès que le comité sera formé, le cas échéant, soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2026;
Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
[Français]
Le Sénat
Adoption de la motion concernant la composition du Comité des finances nationales
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 10 juin 2025, propose :
Que, nonobstant l’article 12-2 du Règlement et toute pratique habituelle, et sans limiter toute recommandation future du Comité de sélection quant aux membres des comités et sans avoir une incidence sur les négociations et discussions entre les leaders et facilitateurs des partis reconnus et des groupes parlementaires reconnus, les honorables sénateurs Carignan, c.p., Dalphond, Forest, Galvez, Kingston, Loffreda, MacAdam, Marshall, Moreau, Pate, Ross et Smith soient nommés membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales jusqu’à la fin de la journée le 30 juin 2025 ou jusqu’à l’adoption par le Sénat d’un rapport du Comité de sélection recommandant les sénateurs qui seront membres du comité, selon la première éventualité.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
(1550)
Projet de loi sur le cadre national sur la maladie falciforme
Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Mégie, appuyée par l’honorable sénatrice Petitclerc, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-201, Loi concernant un cadre national sur la maladie falciforme.
L’honorable Amina Gerba : Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer avec conviction le projet de loi S-201, qui vise à établir un cadre national sur la maladie falciforme. Je ne suis pas médecin, comme vous le savez, mais je suis témoin de la souffrance, du silence et de l’injustice.
Je remercie la sénatrice Mégie de son leadership et de son engagement de longue date dans la défense de ce sujet d’importance. Elle a mis en lumière une réalité trop souvent ignorée. Comme elle l’a mentionné dans son brillant discours à l’étape de la deuxième lecture, cette maladie touche surtout les communautés racisées, comme les Canadiens d’origine africaine, caribéenne, moyen-orientale, sud-américaine, indienne ou méditerranéenne. Toutefois, il serait erroné de penser que les personnes d’autres origines sont à l’abri. Dans un monde où les populations se mélangent, les unions entre personnes de différentes origines sont de plus en plus fréquentes. Par conséquent, il est fort possible que le gène soit transmis à d’autres groupes de notre population. Nous devons donc agir maintenant pour l’avenir de toutes nos communautés.
Pour ma part, j’ai découvert cette maladie au Cameroun en 1984. Mon fiancé à l’époque — maintenant mon mari — et moi devions passer un test de dépistage avant de nous marier. Ce test était obligatoire au Cameroun. C’est à ce moment que j’ai entendu parler pour la première fois de la drépanocytose, ou anémie falciforme. Heureusement, nous n’étions pas porteurs du gène. Cependant, j’ai compris ce que cela signifiait pour d’autres couples. Ils devaient choisir entre l’amour et la peur, puisque s’ils choisissaient de fonder une famille, ils couraient le risque de transmettre une maladie incurable à leur enfant. Cette maladie condamnait autrefois les personnes atteintes à une espérance de vie inférieure à 18 ans, plongeant ainsi les familles et les médecins dans une course contre la montre.
Je connais aujourd’hui des gens au Québec qui vivent avec cette maladie.
Lisa, la fille de ma coiffeuse, souffre d’une forme très grave de la maladie. Elle subit d’intenses crises de douleur et des hospitalisations fréquentes qui l’ont forcée à interrompre ses études. À 35 ans, sa vie sociale est quasi inexistante et elle vit dans l’ombre de la maladie. Elle doute d’elle-même et vit dans la peur. Le plus difficile pour sa famille, ce sont les coûts liés aux soins médicaux. Les médicaments et les hospitalisations engendrent des contraintes financières très importantes qui alourdissent encore davantage le fardeau de sa prise en charge.
Mario, pour sa part, a décidé de se battre; il suit ses traitements avec rigueur. Il a étudié dans les meilleures écoles, il est marié et il est père de deux enfants. Il a adapté sa vie et a transformé sa douleur en force, en empathie.
Puis, il y a Mamoudou Camara, réalisateur du docufiction Souffrir en silence, que je vous recommande fortement. Il nous montre l’envers du décor, l’impuissance des parents face à la douleur de leur enfant et l’angoisse d’une vie sous une épée de Damoclès.
Honorables sénateurs, ce projet de loi est essentiel et contient des mesures qui pourront soutenir directement les porteurs de cette maladie. Il permettrait notamment, comme la sénatrice Mégie l’a bien expliqué, de mieux former les professionnels de la santé, de créer un registre et un réseau de recherche nationaux, d’offrir un dépistage néonatal universel, de promouvoir les dons de sang et de constituer une réserve de sang de tous les groupes. Enfin, il permettrait de sensibiliser le public à cette terrible maladie.
Il n’est pas normal qu’aujourd’hui encore, des patients qui arrivent en crise dans les urgences de nos hôpitaux ne soient pas crus ou qu’ils soient jugés et négligés. Ce n’est pas acceptable en 2025 au Canada.
[Traduction]
Chers collègues, la maladie falciforme n’est pas une maladie rare. Elle passe simplement inaperçue, parce qu’elle touche les communautés minoritaires. En adoptant le projet de loi S-201, nous pouvons envoyer un message fort, soit que toutes les vies sont importantes, peu importe la couleur de la peau et l’origine de la personne.
[Français]
En votant pour le projet de loi S-201, nous envoyons le message clair que chaque vie compte, peu importe la couleur de la peau et l’origine d’une personne.
Honorables sénateurs, nous représentons ici les minorités de même que nos régions et nos communautés. Nous devons soutenir ce qui touche toutes les communautés de notre société. Chaque vie compte.
Le projet de loi S-201 doit être renvoyé rapidement en comité pour être étudié.
Merci au nom de Lisa, de Mario, de Mamoudou et de tous ceux qui souffrent en silence.
(Sur la motion de la sénatrice Ataullahjan, le débat est ajourné.)
(1600)
[Traduction]
Projet de loi sur le Mois du patrimoine arabe
Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’honorable Mohammad Al Zaibak propose que le projet de loi S-227, Loi instituant le Mois du patrimoine arabe, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, c’est avec une immense fierté que je prends la parole au sujet du projet de loi S-227, Loi instituant le Mois du patrimoine arabe, un projet de loi d’intérêt public du Sénat visant à désigner le mois d’avril comme « Mois du patrimoine arabe ».
Je poursuis donc le processus entamé au moyen du projet de loi C-232 lors de la législature précédente, projet de loi qui a été présenté par l’honorable David McGuinty à la Chambre des communes et adopté à l’unanimité à l’autre endroit le 8 mars 2023.
Le projet de loi a été renvoyé au Sénat; il était parrainé par l’honorable sénateur Gold. La première lecture a eu lieu le 9 mars 2023. Il a ensuite fait l’objet d’un débat à l’étape de la deuxième lecture le 22 mars et le 13 juin 2023, puis le 9 mai 2024.
Il a été renvoyé au Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui en a fait rapport au Sénat dans les deux langues officielles sans amendement le 24 octobre 2024.
Le débat à l’étape de la troisième lecture a commencé le 7 novembre et il s’est poursuivi le 26 novembre 2024, date à laquelle le débat a été ajourné. Il l’est resté jusqu’à ce que le Sénat parte pour la pause des Fêtes. Le projet de loi est ensuite mort au Feuilleton au moment de la prorogation du Parlement, qui a été suivie par la dissolution du Parlement plus tôt cette année.
Le projet de loi reconnaît la contribution des Canadiens d’origine arabe à notre grand pays.
Je remercie l’honorable David McGuinty, député d’Ottawa-Sud, parrain initial du projet de loi, ainsi que tous les députés qui ont appuyé son adoption à la Chambre des communes.
Je remercie également le sénateur Marc Gold, l’ancienne sénatrice Jane Cordy et le sénateur Marty Klyne, qui ont tour à tour parrainé le projet de loi.
Je tiens aussi à remercier chaleureusement la sénatrice Salma Ataullahjan, qui a été la porte-parole du projet de loi, ainsi que la sénatrice Wanda Bernard, l’ancienne sénatrice Ratna Omidvar et le sénateur Yuen Pau Woo, qui ont tous participé de manière réfléchie au processus.
Merci à vous tous d’avoir mené le projet de loi C-232 près de la ligne d’arrivée lors de la législature précédente. Nous étions si près du but.
S’il est adopté, le projet de loi à l’étude, qui porte désormais le numéro S-227, constituera une avancée historique pour trois raisons. Premièrement, il reconnaît des contributions qui ont façonné et enrichi le tissu social canadien. Deuxièmement, il nous aligne sur un mouvement mondial de reconnaissance des contributions arabes. Troisièmement, il contribue à approfondir la compréhension des Canadiens quant à la valeur que les Canadiens d’origine arabe apportent à notre identité commune.
Cependant, il faut d’abord savoir de qui nous parlons lorsque nous parlons des Arabes et des Canadiens d’origine arabe.
Honorables sénateurs, du point de vue des traditions historiques et religieuses, les Arabes sont un peuple sémite. Ils sont les descendants du patriarche Abraham par l’entremise de son premier fils, Ismaël. Par conséquent, les Arabes ont des liens linguistiques, ancestraux et historiques avec d’autres groupes sémitiques du Moyen-Orient et de l’Afrique, y compris, bien sûr, des peuples anciens comme les Akkadiens, les Assyriens, les Phéniciens, les Hébreux et les Araméens, entre autres, ainsi que des peuples qui parlent des langues modernes, notamment les locuteurs de l’arabe, de l’hébreu, de l’amharique et du tigrigna.
Selon moi, l’inclusion des Arabes dans la famille sémitique n’est pas qu’une question de sémantique; elle souligne notre humanité commune. Cela nous rappelle que les habitants du Moyen-Orient sont en quelque sorte, voire littéralement, des cousins.
Je sais que le terme « sémitique » pour désigner les Arabes ne fait peut-être plus tellement partie de l’usage dans certaines sociétés occidentales contemporaines, mais je pense qu’il peut aider à combattre les stéréotypes nuisibles et à mettre en valeur notre patrimoine humain commun.
Le mot « arabe » est un terme extrêmement vaste qui comprend toute personne qui vit dans le monde arabe ou qui en est originaire, dont la langue maternelle est l’arabe et qui a un profond sentiment d’appartenance à la culture, au patrimoine et à l’histoire arabes.
Chers collègues, le monde arabe représente une vaste zone géographique qui s’étend du golfe Persique aux côtes de l’océan Atlantique, en passant par l’Afrique du Nord, et qui englobe 22 États arabes. Il s’agit d’une région diversifiée sur le plan de la géographie physique, du climat et des ressources naturelles, mais dont les habitants partagent des traditions culturelles ainsi que la langue arabe.
Avec une population de plus de 450 millions d’habitants, le monde arabe est également diversifié sur le plan religieux. Contrairement à ce que nombre de Canadiens peuvent penser, tous les Arabes ne sont pas musulmans, et tous les musulmans ne sont pas arabes. Par exemple, la population du monde musulman s’élève à près de 2 milliards de personnes, et seulement moins de 20 % d’entre elles sont des Arabes musulmans. Ici, au Canada, il y a environ 2 millions de Canadiens musulmans, dont seulement un demi-million d’Arabes.
Aujourd’hui, le Canada abrite une communauté arabo-canadienne dynamique et diversifiée d’environ 1,1 million de personnes, dont le demi-million que j’ai mentionné, qui s’identifient comme arabo‑musulmans et qui suivent plusieurs écoles de pensée.
La majorité restante s’identifient comme des chrétiens arabes de diverses confessions, des juifs arabes, des adeptes d’anciennes religions qui ont précédé le monothéisme, ou d’autres personnes qui ne s’identifient à aucune religion.
En d’autres termes, chers collègues, les Canadiens d’origine arabe sont très diversifiés sur le plan religieux, ethnique et géographique, et ils peuvent être différents les uns des autres à bien des égards.
Les Canadiens d’origine arabe sont cependant tous fiers de la civilisation arabe et de ses contributions historiques au monde, en particulier aux sociétés occidentales, grâce à la découverte et à l’enrichissement de la grande civilisation grecque qui l’a précédée.
(1610)
Pour une brève illustration, je vous renvoie aux propos de Rom Landau, dans son livre de 1972 intitulé The Arab Heritage of Western Civilization : « [...] alors que l’Europe ignorait l’héritage grec [pendant l’âge des ténèbres], les Arabes l’ont découvert. » Les Arabes ont traduit et développé l’érudition grecque et l’ont transmise à l’Europe pendant la Renaissance.
Rom Landau souligne ce qui suit :
[...] les Arabes ont fait bien plus que de simples traductions. Ils ont également commenté et expliqué les textes grecs, et ont progressivement érigé [...] un édifice intellectuel qui leur était propre.
Plus important encore, honorables sénateurs, ce que les Canadiens d’origine arabe ont en commun, c’est un désir profond d’avoir une influence déterminante et positive sur notre pays, par leurs contributions aux affaires, aux arts, à la médecine, à la technologie, à l’éducation, aux sports et à d’autres aspects de la société canadienne, y compris la politique.
Cela me ramène au projet de loi et à la raison principale pour laquelle il est si important : il reconnaît les contributions des Canadiens d’origine arabe qui ont amélioré notre tissu social.
Honorables sénateurs, les Canadiens d’origine arabe constituent un élément essentiel de l’histoire du Canada depuis plus de 140 ans. Les immigrants syriens, principalement originaires de l’actuel Liban, ont été le premier groupe arabe à venir au Canada. Les premiers à s’installer, selon les registres, l’ont fait au début des années 1880. Ces immigrants étaient de confession chrétienne et islamique. S’ils n’étaient pas très instruits, ils avaient l’esprit d’entreprise. Après une courte période de colportage dans les campagnes et de travail dans les usines, nombre d’entre eux ont créé de petites entreprises de vente au détail. En fait, dans la première moitié du XXe siècle, il n’y avait guère de ville en Nouvelle-Écosse où un Arabe syrien ou libanais ne tenait pas un magasin de vêtements ou de meubles ou une épicerie.
Le premier immigrant arabe enregistré au Canada était Ibrahim Abou Nader — de nombreux collègues et de nombreux députés ont parlé de lui —, un chrétien maronite syrien originaire de l’actuel Liban, qui est arrivé à Montréal en 1882. Il est arrivé à une époque où l’immigration en provenance de l’Empire ottoman était rare, et il a été un pionnier. Après avoir été initialement colporteur, allant de village en village avec un sac sur le dos, M. Abou Nader s’est rapidement fait connaître pour son intégrité, son ardeur à l’ouvrage et son esprit d’entreprise. Après un temps, il a créé une entreprise d’importation prospère et a contribué à jeter les bases de ce qui allait devenir une communauté canado-arabe de plus en plus nombreuse à Montréal et au-delà.
Mentionnons également, parmi les premiers immigrants arabes, Bedouin Ferran, également connu sous le nom de Peter Baker, baker étant la traduction anglaise du mot arabe ferran. Il est arrivé en 1910 et s’est lentement dirigé vers les Territoires du Nord-Ouest, où il a fait la traite de fourrures, a écrit des livres et est finalement devenu l’un des premiers musulmans arabes à être élu au Canada, représentant une circonscription majoritairement autochtone dans les Territoires du Nord-Ouest.
Il y a aussi King Ganam, né en 1914 à Swift Current, en Saskatchewan, de parents syriens. Ganam est devenu l’un des violoneux et compositeurs les plus célèbres de son époque. Il a été l’un des premiers à être intronisé au Temple de la renommée de la musique country canadienne en 1989.
Honorables sénateurs, depuis ces premiers jours jusqu’à aujourd’hui, les Canadiens d’origine arabe se distinguent dans de nombreux domaines et disciplines.
Dans le domaine des affaires, l’histoire de Salim Rassy, plus tard connu sous le nom de Rossy, est remarquable. Salim était un immigrant syro-libanais qui, en 1910, a fondé un petit magasin général sur le boulevard Saint-Laurent à Montréal, au Québec. Ce petit « magasin tout à un dollar » a été le précurseur de la célèbre chaîne de magasins Dollarama, et son héritage se perpétue aujourd’hui dans l’une des plus grandes entreprises de vente au détail du Canada.
En art et en musique, nous connaissons probablement tous les chansons de Paul Anka, des chansons comme My Way, Put Your Head on My Shoulder, Diana ou Puppy Love, mais nous ne savons peut-être pas que ce talentueux auteur-compositeur-interprète est d’origine syrienne. Ne vous inquiétez pas; je ne chanterai aucune de ces chansons.
En politique, nos collègues de l’Île-du-Prince-Édouard, les sénateurs Robinson, Downe, Francis et MacAdam, se souviendront du regretté Joe Ghiz, qui a été le premier premier ministre d’origine non européenne de l’Île-du-Prince-Édouard et qui incarnait le leadership et le dévouement au service public.
Certains d’entre vous, chers collègues, ont peut-être travaillé avec le regretté sénateur Pierre De Bané. Né à Haïfa, en Palestine, il a été le premier Palestinien et la première personne d’origine moyen-orientale à être élu à la Chambre des communes du Canada, dans la circonscription de Matane, au Québec. En 1978, le premier ministre de l’époque, Pierre Trudeau, a nommé M. De Bané au Cabinet à titre de ministre des Approvisionnements et Services, puis il a été nommé sénateur en 1984. J’ai connu le sénateur De Bané. Il est décédé en 2019. C’était un sénateur éminent, efficace et respectueux.
Les Canadiens d’origine arabe sont également des bâtisseurs de communautés. Il faut ici rendre hommage à Hilwie Hamdon, d’origine libanaise, qui a été le fer de lance de la création de la première mosquée du Canada à Edmonton, en Alberta, un lieu emblématique de la coopération interconfessionnelle et du renforcement communautaire.
C’est grâce à ces pionniers que les générations futures de Canadiens d’origine arabe ont pu s’établir au Canada et commencer à contribuer à tous les aspects de notre vie nationale.
Joignez-vous à moi, chers collègues, pour découvrir les histoires des premiers immigrants arabes au Canada et leurs contributions, et tournez-vous vers les premières recherches de Baha Abu-Laban, publiées sous le titre An Olive Branch on the Family Tree: The Arabs in Canada, qui donne un aperçu de ce qu’ont pu vivre ces jeunes Arabes aventureux qui sont venus avec seulement leur intelligence et leur persévérance pour ensuite devenir d’importants contributeurs à la société canadienne.
Le Mois du patrimoine arabe nous donnera l’occasion de célébrer leurs contributions et celles de nombreux autres Canadiens d’origine arabe à notre pays — des Canadiens d’origine arabe comme Mohamed Lachemi, ingénieur distingué et recteur de l’Université métropolitaine de Toronto, qui a réalisé des progrès décisifs dans le domaine de la construction durable. Son histoire, allant d’un village éloigné en Algérie jusqu’à son rôle de chef de file dans le domaine de l’éducation canadienne, met en lumière la contribution des Canadiens d’origine arabe au progrès et à l’innovation.
(1620)
Il y a des Canadiens d’origine arabe comme Hoda ElMaraghy, professeure canadienne d’origine égyptienne de Windsor, en Ontario, qui, en 1994, a été la première femme à occuper le poste de doyenne de la faculté d’ingénierie d’une université canadienne. J’ajouterais qu’elle est également la première Canadienne à avoir obtenu un doctorat en génie mécanique.
Il y a des Canadiens d’origine arabe comme Mamdouh Shoukri, ancien président et vice-chancelier de l’Université York.
Il y a des entrepreneurs, des promoteurs et des philanthropes canadiens d’origine arabe de l’Ouest canadien c’est-à-dire du Manitoba, de l’Alberta, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique, comme Joe Houssian, Mohammed Faris, Nabih Faris et leurs familles.
Au cours du Mois du patrimoine arabe, d’autres personnalités canadiennes d’origine arabe qui ont accompli des réalisations incroyables seront célébrées, comme Hussain Ali Assaf, Habeeb Salloum, Hanny Hassan, Rola Dagher, Jad Shimaly, Bessma Momani, Nazem Kadri, l’acteur canadien d’origine égyptienne Mena Massoud, le chanteur canadien d’origine somalienne K’naan et bien d’autres encore.
Chers collègues, ce ne sont là que quelques exemples de la contribution des Canadiens d’origine arabe à l’ensemble du Canada.
Reconnaître ces contributions est la première raison pour laquelle le projet de loi est si important. La deuxième raison, c’est qu’en désignant officiellement le mois d’avril comme Mois du patrimoine arabe, le Canada se joint à un nombre croissant de pays de premier plan, dont les États-Unis, qui ont pris le même engagement il y a plusieurs années. En se joignant à d’autres leaders mondiaux qui ont favorisé la diversité et l’inclusion, le Canada continue de consolider son leadership sur la scène internationale en tant que pays progressiste et bienveillant. En célébrant le Mois du patrimoine arabe, nous envoyons un message fort : le Canada valorisera et respectera toujours tous ses citoyens et leur patrimoine.
Ici, nous ne punissons pas la différence, nous l’acceptons, car nous savons que c’est en apprenant à se connaître, en communiquant et en s’accueillant les uns les autres dans nos foyers que l’on transforme des étrangers en voisins, des voisins en amis et des amis en membres de sa famille, comme il se doit, car le Canada et le monde entier changent très rapidement.
Cela m’amène à la troisième raison pour laquelle le projet de loi est si important : il approfondit notre compréhension commune des contributions que les Canadiens d’origine arabe ont déjà apportées et continueront d’apporter.
Honorables sénateurs, j’ai mentionné leurs contributions passées, mais je crois que les contributions futures des Canadiens d’origine arabe ne seront pas moins importantes. Après tout, les Canadiens d’origine arabe forment l’un des groupes les plus jeunes et l’un des groupes dont la croissance est la plus rapide au pays. Plus de la moitié de la communauté arabe a moins de 35 ans, 42 % a moins de 24 ans et pas moins de 26 % a moins de 15 ans. Les jeunes Canadiens d’origine arabe apportent une énorme contribution à notre économie, à notre culture et à notre innovation, car ils façonnent ce que signifie être à la fois arabe et Canadien. C’est pourquoi je crois que leur énergie et leur créativité seront essentielles à l’avenir du Canada.
Le Mois du patrimoine arabe nous donne également l’occasion de réfléchir aux défis et aux possibilités qui existent à l’échelle mondiale. Il nous permet de tisser des liens entre le Canada et le monde arabe dans son ensemble, une région qui partage avec le Canada non seulement des intérêts, mais aussi des liens historiques, économiques et culturels.
En reconnaissant les réalisations des Canadiens d’origine arabe, nous pouvons renforcer ces liens et favoriser le respect et la compréhension mutuels dans les affaires mondiales. J’espère et je crois que cette relation mènera également à une augmentation des échanges commerciaux, des investissements et des partenariats dans un monde en constante évolution.
En faisant connaître les réalisations des Canadiens d’origine arabe, nous réaffirmons tous notre engagement à bâtir un avenir encore plus inclusif, juste et égalitaire.
Je tiens également à ajouter que je suis un Canadien d’origine arabe né en Syrie, ce dont je suis fier, et que ce moment revêt une importance particulière pour moi. Pendant des décennies, les richesses culturelles et historiques des Arabes ont souvent été sous-estimées ou incomprises. Savoir que le patrimoine arabe sera officiellement célébré de cette manière est à la fois émouvant pour moi et inspirant pour la collectivité.
Les célébrations aideront les Canadiens d’origine arabe à se sentir intégrés dans le tissu social du pays et à déployer leur immense potentiel pour contribuer encore davantage à l’édification du Canada de demain.
Chers collègues, compte tenu des événements récents survenus dans mon pays natal, cette marque de reconnaissance me touche particulièrement. Les Syriens ont résisté à un régime oppressif et subi les foudres de visées géopolitiques conflictuelles et leur courage nourrit l’espoir d’un avenir meilleur. La résilience des Syriens fait écho à l’ardeur des Canadiens d’origine arabe qui ont surmonté des défis pour s’épanouir au Canada et y apporter une contribution significative.
Instaurer le Mois du patrimoine arabe au Canada renforce ma conviction que ma patrie d’adoption et mon pays natal, la Syrie, peuvent tous deux aspirer à un avenir où l’on célèbre la liberté, la dignité et notre humanité commune.
J’espère aussi que le Mois du patrimoine arabe contribuera à mieux faire comprendre les nouveaux défis auxquels est confrontée la communauté arabe ici, chez nous. Je souhaite aussi qu’il permette d’accroître la sensibilisation à l’égard des souffrances persistantes des populations en Irak, au Liban, en Palestine, en Libye, au Soudan et au Yémen ainsi qu’à leur espoir d’un monde empreint de justice, de liberté, de dignité et de prospérité où elles peuvent vivre en paix et en harmonie avec leurs voisins.
En conclusion, chers collègues, le Mois du patrimoine arabe est bien plus qu’une simple célébration. Il rend hommage aux valeurs qui définissent le Canada : l’inclusion, la diversité, l’équité et l’unité.
Chers collègues sénateurs, saisissons cette occasion d’honorer la contribution des Canadiens d’origine arabe et de réaffirmer notre engagement à bâtir une société où toutes les cultures sont reconnues et où nous avons tous la possibilité de nous épanouir.
Honorables collègues, je vous exhorte respectueusement à appuyer ce projet de loi, non seulement en signe de reconnaissance, mais également pour marquer une étape concrète vers l’édification d’un Canada plus inclusif et plus uni. En votant en faveur du projet de loi S-227, Loi instituant le Mois du patrimoine arabe, nous reconnaissons véritablement que les Canadiens d’origine arabe sont une branche d’olivier dans l’arbre généalogique du Canada. Unissons-nous pour faire du Mois du patrimoine arabe un événement permanent du calendrier national.
Merci. Meegwetch. Shukran.
(Sur la motion de la sénatrice Ataullahjan, le débat est ajourné.)
(1630)
[Français]
La Gore Mutual Insurance Company
Projet de loi d’intérêt privé—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Loffreda, appuyée par l’honorable sénatrice MacAdam, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-1001, Loi autorisant la Gore Mutual Insurance Company à demander sa prorogation en tant que personne morale régie par les lois de la province de Québec.
L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-1001, Loi autorisant la Gore Mutual Insurance Company à demander sa prorogation en tant que personne morale régie par les lois de la province de Québec. Mon discours sera très bref.
Tout d’abord, j’aimerais remercier le sénateur Loffreda, parrain du projet de loi, pour ses explications quant au bien-fondé de sa proposition, qui vise à obtenir l’approbation du Parlement de la fusion entre la société fédérale Gore Mutual et la société québécoise Beneva.
Comme l’a souligné mon collègue, la fusion réunira deux grands acteurs de l’assurance mutuelle, très présents dans leurs communautés. Elle stimulera l’innovation dans les services financiers au Canada, tout en favorisant la pérennité du secteur.
[Traduction]
Ayant occupé pendant plusieurs années le poste de présidente de Coopératives et Mutuelles Canada, je reconnais l’importance de soutenir et de renforcer les structures qui réinvestissent dans les collectivités et j’y crois. L’assurance mutuelle est profondément ancrée au pays depuis plus de 100 ans. Elle joue un rôle clé dans le secteur de l’assurance au Canada. Ce qui distingue ce modèle, c’est son mode de fonctionnement : les personnes assurées sont également propriétaires de la compagnie d’assurance. Cette structure favorise un intérêt commun qui profite à la fois aux membres et à l’organisation.
À cet égard, les mutuelles se distinguent des assureurs étrangers ou publics, comme l’a clairement souligné le sénateur Loffreda dans son discours à l’étape de la deuxième lecture. Il est particulièrement important que le secteur de l’assurance au Canada reste solide, surtout dans un contexte économique et diplomatique incertain et face aux défis posés par les changements climatiques, auxquels nos collectivités doivent être bien préparées.
[Français]
Le projet de loi S-1001 me rassure quant à la direction que prennent ces mutuelles. Je souhaite revenir brièvement en arrière afin d’illustrer les conséquences extrêmes de l’affaiblissement d’une mutuelle, à savoir la démutualisation. À l’automne 2021, l’Economical, Compagnie Mutuelle d’Assurance s’est démutualisée.
Une poignée d’individus, qui n’avaient pas contribué à la création du fonds et à l’accumulation de la richesse depuis plus de 100 ans, se sont enrichis sans raison valable. J’estime que cela est injuste et inéquitable envers un grand nombre de Canadiennes et de Canadiens.
De plus, la décision de devenir une société par actions, qui dépendait d’un petit groupe de détenteurs d’actions, donnait à ces derniers un avantage financier immédiat et disproportionné.
Les quelque 700 actionnaires ont reçu un demi-million de dollars seulement parce qu’ils étaient actionnaires; ils n’avaient rien accumulé durant toutes les années d’existence de l’entreprise.
Ils se sont donc partagé des milliards de dollars qui auraient dû être retournés aux communautés. À l’époque, j’avais été outrée et j’avais écrit plusieurs fois à la ministre des Finances afin de lui demander d’empêcher cette démutualisation. Malheureusement, cela s’est tout de même produit. Selon moi, c’était une flagrante injustice pour tous les Canadiens et Canadiennes qui avaient acheté des polices d’assurance d’Economical.
La transition vers un modèle où la richesse est redistribuée à un petit nombre d’individus, dans une logique de quête infinie du profit, me désole. C’est probablement le plus gros problème dans notre société aujourd’hui; les gens n’ont jamais assez d’argent. Quand est-ce que ce sera trop? Cela est d’autant plus regrettable que l’objectif initial de l’entreprise était profondément louable, c’est-à-dire qu’elle souhaitait servir les communautés et répartir équitablement les richesses. C’est à cela que servent les mutuelles et les coopératives.
À la lumière des principes d’équité, il aurait été, à mon avis, préférable que la ministre des Finances rejette la démutualisation dans ce cas précis, conformément à ses pouvoirs discrétionnaires en vertu de la Loi sur les sociétés d’assurances et au Règlement sur la transformation de sociétés mutuelles d’assurances multirisques comptant des souscripteurs de polices non mutuelles.
La législation québécoise favorise un secteur coopératif et mutuel solide. Cela fait longtemps que les lois au Québec encadrent ce secteur.
Il est tout naturel que la société fédérale Gore Mutual cherche à être assujettie aux lois de la province de Québec plutôt qu’à la Loi sur les sociétés d’assurances. Les démarches entreprises dans ce cas sont rassurantes, car elles démontrent une volonté de profiter d’une occasion d’affaires pour renforcer l’entreprise et favoriser sa pérennité, et ainsi atténuer le risque qu’elle subisse un sort comparable à celui d’Economical.
Nous savons également que le Bureau du surintendant des institutions financières a émis un avis de non-objection sur cette fusion et que le Bureau d’assurance du Canada considère que la fusion est avantageuse pour les consommateurs.
Considérant tous ces bienfaits et l’appui des organismes pertinents pour la fusion de la Gore Mutual Insurance Company et de Beneva, le Sénat devrait appuyer cette décision d’affaires afin de renforcer la position de l’entreprise, en renvoyant le projet de loi au comité dans les plus brefs délais.
Je vous invite à appuyer cette proposition législative afin de renforcer le modèle d’une entreprise qui est avantageuse pour les communautés et qui œuvre dans un secteur essentiel pour elles, celui de l’assurance.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
[Traduction]
Le Sénat
Adoption de la motion tendant à condamner toutes les attaques et ingérences de la Russie dans la vie des enfants ukrainiens
L’honorable Stan Kutcher, conformément au préavis donné le 10 juin 2025, propose :
Que le Sénat du Canada condamne par la présente toutes les attaques et ingérences de la Russie dans la vie des enfants ukrainiens et demande à tous les États qui font partie de la Coalition internationale pour le rapatriement des enfants ukrainiens d’accroître considérablement leurs efforts pour protéger les enfants ukrainiens contre l’agression russe et d’accroître leurs efforts pour le retour, le rapatriement et la réadaptation des enfants ukrainiens volés par la Russie.
Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
La nécessité d’un développement et d’une utilisation sûrs et productifs de l’intelligence artificielle
Interpellation—Ajournement du débat
L’honorable Rosemary Moodie, ayant donné préavis le 28 mai 2025 :
Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur la nécessité d’un développement et d’une utilisation sûrs et productifs de l’intelligence artificielle au Canada.
— Honorables sénateurs, l’intelligence artificielle est l’une des technologies les plus révolutionnaires de notre histoire. Qu’il s’agisse d’améliorer les soins de santé, de promouvoir l’innovation dans des secteurs comme l’éducation, la culture et la défense, ou d’offrir de nouvelles possibilités dans nombre de domaines comme la recherche scientifique et la sécurité nationale, l’intelligence artificielle pourrait changer notre mode de vie, nos méthodes de travail et nos interactions. L’intelligence artificielle a déjà commencé à transformer de nombreux aspects de notre société grâce à l’automatisation et à la résolution avancée de problèmes. Les effets de l’intelligence artificielle se font sentir partout. Cependant, à mesure qu’elle devient une partie de plus en plus intégrale de nos vies, nous devons prendre conscience de ses risques potentiels. Ce n’est pas un outil que nous pouvons contrôler facilement. Si nous ne prenons pas les précautions nécessaires, l’intelligence artificielle — ou IA —pourrait causer des dommages considérables à certaines communautés et à la société dans son ensemble.
(1640)
Par exemple, Geoffrey Hinton, le « parrain de l’intelligence artificielle », a averti que nous entrons dans une ère où les machines pourraient surpasser l’intelligence humaine. Il décrit l’IA comme une création accidentelle née d’erreurs humaines et fait état de graves préoccupations, telles que les informations trompeuses et les préjugés dans les pratiques d’embauche et le maintien de l’ordre. Ce ne sont là que quelques exemples des risques que nous, en tant que décideurs, devons prendre en considération.
L’intelligence artificielle n’est ni bonne ni mauvaise en soi; c’est un outil. Ses effets sur la société seront déterminés par la façon dont nous choisirons de la réglementer, de la développer et de l’utiliser. C’est pourquoi il est essentiel d’agir dès maintenant. Nous avons déjà pris du retard dans la compréhension totale et la gestion de cette technologie en rapide évolution.
Chers collègues, cette interpellation nous rappelle que nous devons absolument faire preuve de leadership en relevant les défis posés par l’IA, tout en tirant profit de son énorme potentiel. Nous ne pouvons pas nous permettre de répéter les erreurs commises avec les médias sociaux, où on les a laissés croître à un rythme effréné sans aucun garde-fou, ce qui a eu des conséquences imprévues sur notre démocratie, notre culture et la santé publique.
En tant que sénateurs, nous avons le devoir de protéger les Canadiens contre ces risques tout en orientant le développement de l’IA vers des résultats qui servent l’intérêt public. Il s’agit non seulement d’une priorité nationale, mais aussi d’une responsabilité mondiale, et le Canada peut et doit faire entendre sa voix pour façonner l’avenir de la gouvernance de l’IA.
Dans mon discours ce soir, je commencerai par parler du Rapport international sur la sûreté de l’IA et des développements récents dans le secteur canadien de l’IA. J’aborderai ensuite la manière dont l’IA est envisagée à l’échelle mondiale, en m’intéressant plus particulièrement aux conclusions du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle de Paris.
L’une des publications incontournables pour nous guider dans ce paysage en pleine évolution est le Rapport international sur la sûreté de l’IA, qui est dirigé par Yoshua Bengio, une figure mondiale de premier plan dans le domaine de la recherche sur l’IA ici au Canada. Ce rapport constitue une ressource essentielle pour comprendre les risques mondiaux associés à l’IA, notamment les cybermenaces, la mésinformation, les perturbations du marché du travail et le potentiel d’utilisation de l’IA à des fins militaires.
Les auteurs du rapport notent ce qui suit : « Les responsables des politiques publiques doivent arriver à créer des cadres réglementaires souples et résistants aux changements technologiques au fil du temps. » Ils ajoutent : « Un débat scientifique et public constructif sera essentiel pour permettre aux sociétés et aux responsables des politiques publiques de faire les bons choix. »
Ce sentiment souligne l’importance d’un dialogue continu et d’une réglementation souple afin de garantir que l’IA se développe de manière à maximiser ses avantages tout en minimisant ses risques.
Le rapport met également en garde contre le danger de voir le développement de l’intelligence artificielle se concentrer dans quelques pays, comme les États-Unis et la Chine, ce qui pourrait entraîner un déséquilibre mondial dans le leadership en matière d’intelligence artificielle. Il souligne le besoin urgent d’une collaboration internationale et d’évaluations complètes des risques pour s’assurer que l’intelligence artificielle ne dépasse pas notre capacité à la réglementer.
Alors que nous envisageons le rôle du Canada dans le développement de l’intelligence artificielle, le Rapport international sur la sûreté de l’IA nous offre un cadre essentiel que nous pouvons prendre en compte dans notre réflexion sur la manière de gérer l’intelligence artificielle. Il nous encourage à adopter une perspective mondiale sur la sécurité de l’intelligence artificielle tout en tenant compte des priorités nationales.
Je souhaite mettre en lumière quelques-uns des progrès récents réalisés ici au Canada. En novembre 2024, le Canada a pris une décision importante en lançant l’Institut canadien de la sécurité de l’intelligence artificielle. L’institut recevra un budget initial de 50 millions de dollars sur cinq ans dans le cadre d’un investissement de 2,4 milliards de dollars, annoncé dans le budget fédéral de 2024, qui comprend un projet de loi sur l’intelligence artificielle et les données et le Code de conduite volontaire visant un développement et une gestion responsables des systèmes d’IA générative avancés.
En avril 2024, l’ancien premier ministre Justin Trudeau a annoncé un investissement de 2,4 milliards de dollars pour développer le secteur de l’intelligence artificielle au Canada. Cela comprend la Stratégie canadienne sur la capacité de calcul souveraine pour l’IA, qui prévoit 700 millions de dollars pour construire et développer des centres de données, 300 millions de dollars pour aider les petites et moyennes entreprises à assumer les coûts des ressources informatiques utilisant l’IA et 1 milliard de dollars pour améliorer le calcul à haute performance pour les chercheurs universitaires.
Plus récemment, en mars 2025, la présidente du Conseil du Trésor a dévoilé la toute première stratégie du Canada en matière d’intelligence artificielle pour la fonction publique fédérale. Cette stratégie, qui sera mise à jour tous les deux ans, vise à améliorer les opérations et les services gouvernementaux en veillant à une utilisation sûre, éthique et responsable de l’intelligence artificielle. Elle comprend des objectifs comme la création d’un centre d’expertise en intelligence artificielle, l’assurance de la sécurité des systèmes d’intelligence artificielle, la promotion du développement des talents et celle de la transparence et de la responsabilité.
Comme chacun le sait, le premier ministre Carney a récemment nommé l’honorable Evan Solomon à titre de tout premier ministre responsable de l’intelligence artificielle et de l’innovation numérique. Hier, le ministre Solomon a prononcé son premier discours public lors de la Conférence Canada 2020, où il a présenté les piliers de la stratégie du Canada pour l’industrie de l’intelligence artificielle : premièrement, développer l’intelligence artificielle; deuxièmement, adopter l’intelligence artificielle dans tous les secteurs; troisièmement, renforcer la confiance dans l’intelligence artificielle grâce à une réglementation visant à protéger les données et la vie privée; et quatrièmement, assurer la souveraineté du Canada en matière d’intelligence artificielle pour la défense et la sécurité. J’ai hâte de connaître les détails du plan du gouvernement Carney concernant l’intelligence artificielle au fur et à mesure qu’il prendra forme.
Chers collègues, compte tenu de la dynamique actuelle dans ce domaine, nous avons, en tant que sénateurs, la responsabilité d’examiner attentivement les stratégies et les investissements proposés. Nous devons nous demander s’ils servent véritablement les intérêts de tous les Canadiens et réfléchir sérieusement à leurs répercussions à long terme. Nous aurons ainsi l’occasion de poser les bonnes questions et d’envisager la voie à suivre.
Pour comprendre la place de l’intelligence artificielle au Canada, nous devons tenir compte du contexte mondial. Le monde évolue rapidement et de nombreux pays vont de l’avant avec des initiatives en matière d’intelligence artificielle. En février 2025, la France et l’Inde ont accueilli le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle à Paris, où des dirigeants, des experts et des chercheurs ont discuté de l’avenir de l’intelligence artificielle. Le sommet s’est concentré sur cinq grands thèmes : l’intelligence artificielle au service de l’intérêt général, l’avenir du travail, l’innovation, la confiance et la gouvernance mondiale. Cependant, un domaine essentiel n’a reçu qu’une attention limitée : la gouvernance de l’intelligence artificielle.
Au sommet, le vice-président américain Vance a fait part de ses inquiétudes quant au risque qu’une réglementation excessive n’entrave l’innovation, faisant valoir que les pays démocratiques pourraient se retrouver à la traîne par rapport aux pays autoritaires, qui imposent moins de restrictions. Il s’agit là d’un débat crucial qui met en évidence les clivages et les nuances qui existent à l’échelle mondiale dans ce domaine. Certains partisans d’une réglementation stricte pour protéger la société font passer les intérêts économiques avant la gouvernance. Toutefois, beaucoup sont d’opinion mitoyenne, souhaitant tirer avantage de la prospérité qui pourrait accompagner l’intelligence artificielle d’une manière qui respecte nos valeurs démocratiques, notamment les droits de la personne, l’inclusivité et la primauté du droit.
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Malgré ces différences, 62 pays, dont le Canada, ont signé la Déclaration sur l’intelligence artificielle durable et inclusive pour la population et la planète issue du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle. Cet engagement à faire en sorte que l’intelligence artificielle soit développée de manière responsable reflète notre devoir commun de faire face aux défis que pose l’intelligence artificielle. Toutefois, les États-Unis et le Royaume-Uni ont choisi de ne pas signer la déclaration, invoquant, comme raison, le libellé trop restrictif et des préoccupations concernant les cadres de gouvernance. Cette dissidence met en évidence le fait que même parmi les pays habituellement alliés, les opinions divergent à l’égard de l’intelligence artificielle.
En même temps, en janvier dernier, le président des États-Unis, M. Trump, a annoncé un investissement de 500 milliards de dollars dans des projets d’infrastructure du secteur privé liés à l’intelligence artificielle, projets dirigés par des entreprises telles qu’OpenAI, Oracle et SoftBank. La Commission européenne a également promis d’investir plus de 200 milliards d’euros dans l’intelligence artificielle et l’innovation dans le domaine numérique. Le président de la France, Emmanuel Macron, a annoncé un projet d’investissement de 109 milliards d’euros dans l’intelligence artificielle, notamment dans de nouveaux centres de données.
Ces investissements mondiaux rapides montrent à quel point il est urgent de se pencher sur l’importance croissante de l’intelligence artificielle et la nécessité de déployer des efforts coordonnés à l’échelle mondiale pour la réglementer. Sans normes et sans coopération nationales et mondiales coordonnées, nous risquons de laisser les marchés mondiaux diriger le développement de l’intelligence artificielle sans supervision, ce qui peut être au détriment du bien public. Cela souligne l’importance de tenir ici, au Canada, des discussions cruciales sur la manière dont on laissera la priorité à la réglementation, à la transparence et aux droits de la personne dans le développement de l’intelligence artificielle, tout en restant un acteur clé dans la course mondiale à l’intelligence artificielle.
Dans le contexte de ces mouvements mondiaux, la présente interpellation nous offre une occasion unique d’évaluer les répercussions de l’intelligence artificielle sur notre avenir, ici, au Canada. Si nous voulons demeurer en tête de peloton dans la course mondiale à l’intelligence artificielle, nous devons axer nos efforts sur la réglementation, la transparence et les droits de la personne. Pour maximiser les avantages de l’intelligence artificielle au Canada, nous devons prendre les devants afin d’être en mesure de déterminer et de créer notre propre écosystème d’intelligence artificielle — non pas un écosystème inondé de produits et de technologies que nous ne pouvons pas contrôler, mais un écosystème où nous établissons des normes et des règles pour garantir que les technologies sont sûres, justes, de haute qualité et proviennent de pays qui partagent nos valeurs démocratiques. Une réflexion approfondie doit guider la croissance de l’intelligence artificielle. Nous ne devons pas laisser les forces du marché ou les priorités gouvernementales diriger son développement sans supervision. La réalité est que les décisions que nous prenons aujourd’hui façonneront l’avenir de l’intelligence artificielle pour des générations.
Dans le rapport sur la sécurité de l’intelligence artificielle intitulé International AI Safety Report, Yoshua Bengio, un des chercheurs prééminents en matière d’intelligence artificielle au Canada, affirme que « l’IA ne nous est pas imposée; ce sont les choix que font les humains qui déterminent son avenir ». Cette citation résume bien l’urgence de la situation et la responsabilité qui nous incombe en tant que décideurs. Parlant de responsabilité, Yoshua Bengio vient de lancer un organisme à but non lucratif nommé LoiZéro, dont l’objectif est de réunir des chercheurs de classe mondiale du domaine de l’intelligence artificielle afin de trouver des solutions techniques pour la création de systèmes d’intelligence artificielle sécuritaires. Les entreprises du genre montrent que nous devons prendre des décisions délibérées et éclairées visant à prioriser la sécurité publique et les avantages pour la société.
Si l’avenir de l’intelligence artificielle demeure incertain, une chose est sûre : la trajectoire qu’elle suivra dépendra des décisions que nous prenons. Nous avons le pouvoir d’orienter cette technologie de façon à ce qu’elle favorise le progrès et de limiter les risques qui y sont associés. Il est important de garder en tête que la confiance et la sécurité favoriseront la productivité...
Son Honneur la Présidente : Sénatrice Moodie, je suis désolée de vous interrompre, mais votre temps est écoulé. Merci.
La sénatrice Moodie : Merci.
L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de l’interpellation de la sénatrice Moodie, qui porte sur une question urgente : la réglementation de l’intelligence artificielle au Canada.
D’entrée de jeu, je tiens à souligner que Nick Bostrom, un philosophe de l’Université d’Oxford, a soutenu que, étant donné que les ordinateurs avancés ont la puissance nécessaire pour réaliser des simulations, il est fort probable que nous vivions dans une simulation. Dans cette optique, vous voudrez peut-être prendre mon discours d’aujourd’hui avec un grain de sel, mais attendez que j’aie terminé, car ce n’est peut-être pas le cas.
Chers collègues, nous sommes à l’aube d’une transformation profonde. L’intelligence artificielle représente un changement de l’ampleur de la révolution industrielle, de la découverte de l’énergie nucléaire ou de l’avènement du langage. L’intelligence artificielle n’est pas simplement une nouvelle technologie, c’est un multiplicateur de force. Il s’agit d’une capacité tous azimuts qui évolue plus rapidement que nos institutions, nos lois et notre imagination.
Aujourd’hui, je vais vous parler de quatre aspects de cette question. Primo, je vais vous présenter les grandes répercussions de l’intelligence artificielle et les règlements que nous pourrions adopter pour notre démocratie et la société. Secundo, j’examinerai le confinement — technique, normatif et juridique — de l’intelligence artificielle en tant que cadre de gouvernance. Tertio, je passerai en revue les approches mondiales, de l’Union européenne aux États-Unis, en passant par la Chine, avant d’examiner les efforts déployés par le Canada au moyen du projet de loi C-27 et de la Loi sur l’intelligence artificielle et les données. Enfin, je proposerai des solutions concrètes pour renforcer notre approche afin que l’intelligence artificielle demeure un outil au service de l’intérêt public, et non un outil qui lui nuit.
Mon premier point concerne les implications sociales de l’intelligence artificielle et la réglementation potentielle. Certains affirment que la réglementation freine l’innovation. Toutefois, dans le contexte de l’intelligence artificielle, nous voulons de l’innovation accompagnée d’une solide gestion des risques. C’est là que la réglementation potentielle entre en jeu. Un cadre réglementaire solide peut attirer les investissements, favoriser l’innovation et renforcer la confiance du public. C’est pourquoi la réglementation potentielle doit traiter des droits civils, notamment les droits à la vie privée, à la liberté d’expression et à la transparence, ainsi que des préoccupations liées à la sécurité et à la reddition de comptes.
Les enjeux sont considérables. L’intelligence artificielle n’est plus un domaine marginal. Elle transforme notre façon de travailler, d’apprendre, de communiquer et de gouverner. Dans ses formes les plus avancées, l’intelligence artificielle ne se contentera pas de nous assister, elle nous remplacera, nous optimisera, nous prédira et parfois nous surpassera. Des finances à la santé, en passant par la défense et la justice, la portée de l’intelligence artificielle s’étend rapidement. Son pouvoir croissant offre des possibilités, mais comporte également des risques importants pour notre société.
Chers collègues, ce n’est pas de l’alarmisme. L’État démocratique moderne nous a jadis promis sécurité, prospérité et droits démocratiques. L’intelligence artificielle menace aujourd’hui de renverser ces piliers.
Qu’en est-il de la sécurité? Imaginez un monde où des drones autonomes et d’autres armes contrôlées par des algorithmes mènent des guerres, où des machines surpassent d’autres machines dans des conflits que nous ne pouvons même pas comprendre. Où est la responsabilité humaine? Où cela s’arrête-t-il? En même temps, sans l’intelligence artificielle avancée, notre pays et nos alliés seraient vulnérables aux capacités avancées en matière d’intelligence artificielle de nos adversaires potentiels.
En ce qui concerne notre prospérité, les systèmes d’intelligence artificielle pourraient finir par dominer — et même manipuler — les marchés financiers. Un petit nombre d’entreprises peuvent finir par contrôler les machines qui influencent votre hypothèque, votre pension ou votre emploi. La technologie a déjà remplacé de nombreuses formes de travail physique et, maintenant, même les domaines de la pensée humaine, de la créativité et de l’expression artistique sont en péril. Quels nouveaux défis l’intelligence artificielle posera-t-elle dans une société où le contrat social a longtemps assuré un équilibre fragile entre les avantages de la libre entreprise et la protection d’un filet de sécurité sociale?
L’intelligence artificielle pourrait aussi nuire à la justice sociale. Une étude publiée en 2019 dans la revue Science a révélé que l’intelligence artificielle dans le système de santé américain était beaucoup moins susceptible de recommander des soins aux patients noirs qu’aux patients blancs atteints de maladies semblables — non pas par malveillance, mais parce qu’elle reflétait une discrimination passée intégrée aux données. Il ne s’agit pas de préjugés conscients; il s’agit d’un préjudice structurel, et il est invisible jusqu’à ce qu’il devienne systémique.
Enfin, le contenu algorithmique et la manipulation des médias sociaux menacent d’empêcher les gens d’exercer véritablement leurs droits démocratiques. Les systèmes d’intelligence artificielle générative, comme ChatGPT, Claude, Gemini, Llama, Grok et Copilot, sont intégrés dans nos navigateurs, nos messageries et nos outils de productivité. Ces outils ne se contentent pas de générer du texte, ils ont une influence. Ils orientent les flux d’informations, cadrent les débats et leur donnent un ton émotif. Avec quelques ajustements mineurs, des acteurs malveillants peuvent en faire des armes pour inonder à moindre coût l’espace public de désinformation, d’« hypertrucages » et de propagande. C’est d’autant plus dangereux dans un monde où l’intelligence artificielle risque de nuire au développement de l’esprit critique des jeunes.
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Même si le danger que l’intelligence artificielle devienne malveillante existe, le problème criant, c’est qu’elle est indifférente. Elle ne se soucie de rien. Elle optimise. Elle est un reflet du monde tel qu’il est plutôt que tel qu’il devrait être. À moins de délibérément choisir d’encoder des valeurs et des limites, l’intelligence artificielle se rabat par défaut sur la logique du profit, du pouvoir et de la prédiction.
Il existe un autre danger, encore plus subtil, celui que les machines interprètent mal nos intentions. Les êtres humains sont des amas de contradictions ambulants. Nous sommes tout sauf cohérents. Nous voulons à la fois l’aventure et la sécurité, la vie privée et la commodité. Nous mentons. Nous changeons d’avis. Nous changeons d’humeur. Nous exagérons. Nous regrettons. Comment les machines peuvent-elles nous comprendre alors que nous contenons des multitudes?
Pourtant, nous sommes sur le point de confier aux machines non seulement nos tâches, mais aussi nos décisions, voire notre éthique. Comment les machines concilieront-elles les droits individuels et l’intérêt général, un dilemme qui continue de faire débat dans de nombreux contextes?
Il ne s’agit pas seulement d’un problème technique. C’est un défi politique, un test moral, une crise de la bonne gouvernance.
Alors, comment réagir?
Voilà qui m’amène à mon deuxième point : le confinement, non pas en réprimant, mais en administrant. Non pas en brandissant la peur, mais en engageant la responsabilité. Le « confinement » signifie le contrôle démocratique des outils que nous créons. Il repose sur trois principes.
Premièrement, le confinement technique, qui fait référence à ce qui se passe dans un laboratoire ou un centre de recherche et développement. Lorsqu’on parle d’intelligence artificielle, cela inclut l’utilisation de systèmes sans air, d’un environnement protégé, de simulations contrôlées, de mécanismes d’arrêt d’urgence et de protocoles de sécurité et de sûreté intégrés robustes. Ces outils contribuent à garantir la sécurité, l’intégrité et l’inviolabilité d’un système, et permettent de le mettre hors service si nécessaire.
Deuxièmement, le confinement normatif, soit une culture parmi les développeurs et les institutions qui privilégie l’éthique à la rapidité. Le pouvoir sans réflexion est dangereux.
Troisièmement, le confinement juridique, soit une réglementation transfrontalière, des lois garantissant la transparence, les droits civils, la responsabilité, la surveillance, l’intégrité, les valeurs et l’éthique, ainsi que la transparence et la durabilité.
Soyons clairs : la réglementation seule ne suffit pas. Un sommet ou un communiqué de presse de la Silicon Valley ne peuvent pas remplacer des règles contraignantes. Nous devons unir les gouvernements, l’industrie, le milieu universitaire et la société civile afin de créer, tous ensemble, une vision canadienne de l’intelligence artificielle fondée sur l’intégrité, les valeurs et l’éthique, la transparence et la durabilité, sans oublier l’équité, l’inclusion et la paix.
Nous devons agir de manière proactive avant d’être contraints de réagir, avant l’apparition du prochain algorithme discriminatoire, les prochaines pertes d’emplois ou la prochaine érosion de la confiance.
Pour revenir sur mon troisième point, à l’échelle mondiale, les gouvernements adoptent des approches divergentes.
L’Union européenne a adopté une loi globale sur l’intelligence artificielle, laquelle prévoit un système à plusieurs niveaux fondé sur les risques, assorti d’obligations claires pour les systèmes à haut risque et de règles de transparence contraignantes pour l’intelligence artificielle générative.
Les États-Unis adoptent une approche sectorielle axée sur les marchés de manière à favoriser la coopération. Cependant, les résultats sont inégaux.
Quant à la Chine, qui était autrefois un chef de file en matière de réglementation, elle fait maintenant bande à part dans la pratique. Sur papier, la Chine paraît proactive avec son cadre réglementaire pour les réseaux sociaux, son interdiction des cryptomonnaies et ses lignes directrices sur l’utilisation éthique de l’intelligence artificielle. Son projet de réglementation des grands modèles de langage va plus loin que la réglementation en vigueur en Occident. La réalité, c’est que l’utilisation civile de l’intelligence artificielle est étroitement contrôlée, tandis que son utilisation à des fins militaires et de surveillance est pratiquement illimitée. L’intelligence artificielle n’est pas seulement un outil, c’est un pouvoir d’État. C’est l’avenir que nous devons éviter.
Pour conclure, où en est le Canada?
Notre mesure la plus importante était le projet de loi C-27, la Loi de 2022 sur la mise en œuvre de la Charte du numérique, qui comprenait la Loi sur l’intelligence artificielle et les données. Celle‑ci proposait une surveillance fondée sur les risques pour les systèmes à incidence élevée, y compris les modèles génératifs. Ce projet de loi n’a pas été adopté avant la dissolution du Parlement. À l’heure actuelle, le Canada ne dispose d’aucune mesure de protection exécutoire sur le plan juridique, ce qui crée un vide critique en matière de gouvernance.
En guise de réponse, le gouvernement a déposé le Code de conduite volontaire visant un développement et une gestion responsables des systèmes d’intelligence artificielle générative avancés. Ce code vise à promouvoir l’équité, la transparence et la responsabilité, mais il n’est ni contraignant ni applicable. Il ne peut servir de substitut à un cadre réglementaire en bonne et due forme.
Plus récemment, le Canada a nommé son premier ministre de l’Intelligence artificielle et de l’Innovation numérique, comme l’a annoncé le premier ministre Carney le 13 mai 2025. La nomination de l’honorable Evan Solomon témoigne d’une reconnaissance croissante de l’importance de l’intelligence artificielle, mais le mandat du ministre n’est pas encore défini. Selon un reportage de la CBC du 17 mai, le Cabinet du premier ministre a répondu aux questions en renvoyant au programme du Parti libéral, intitulé Un Canada fort, dans lequel la question de l’intelligence artificielle est principalement liée à la croissance économique et à la réforme de la fonction publique. Ces objectifs sont louables, mais ils laissent de nombreuses questions sans réponse.
En comparaison, la loi européenne sur l’intelligence artificielle oblige les développeurs à divulguer les données d’entraînement protégées par le droit d’auteur, à empêcher la génération de contenus illégaux et à se conformer aux règles en matière de vie privée du règlement général sur la protection des données. L’approche adoptée par le Canada avec la loi sur l’intelligence artificielle et les données et le code de conduite volontaire reste vague et inefficace. L’écart est particulièrement flagrant dans un domaine critique : la vie privée.
La protection de la vie privée doit faire l’objet d’une attention urgente. L’intelligence artificielle transforme la manière dont les données sont collectées, déduites et utilisées. Au Québec, un jugement rendu en 2022 a estimé que les prévisions de décrochage scolaire générées par l’intelligence artificielle constituaient des informations personnelles, même lorsqu’elles étaient basées sur des données anonymisées. Le commissaire à la protection de la vie privée a demandé que les systèmes d’intelligence artificielle à haut risque fassent l’objet d’évaluations obligatoires de leur impact sur la vie privée. Le Sénat devrait appuyer cette demande.
Nous devons veiller à ce que l’intelligence artificielle soit au service de la population, et non l’inverse. Cela implique des normes exécutoires pour définir et réglementer l’intelligence artificielle générative, des mesures obligatoires de protection de la vie privée et des évaluations d’impact, des règles de divulgation publique pour les applications à haut risque et une surveillance indépendante dotée de pouvoirs d’exécution.
Cela implique également une consultation large et inclusive des technologues, des éthiciens, des dirigeants syndicaux, des communautés autochtones et des Canadiens.
Honorables sénateurs, la gouvernance de l’intelligence artificielle est un défi mondial, mais notre réponse doit être typiquement canadienne et fondée sur la dignité, l’égalité, la transparence et la primauté du droit.
L’intelligence artificielle n’est pas seulement un outil. Elle modifie notre façon de prendre des décisions, d’attribuer les responsabilités et de définir l’action humaine. Nous devons aborder cette période avec lucidité et détermination.
Si nous tardons à agir, nous risquons de prendre du retard, de laisser les systèmes numériques progresser plus rapidement que nos lois et d’exposer les Canadiens à la discrimination, à la mésinformation et aux atteintes à la vie privée.
Engageons-nous à faire de l’innovation canadienne une force non seulement pour le développement économique, mais aussi pour la justice et le bien-être.
En bref, alors que la science-fiction devient réalité, rappelons-nous la leçon de la série Terminator. Comme le dit John Connor : « Il n’y a de destin que ce que nous faisons. »
Merci, hiy kitatamîhin.
L’honorable Stan Kutcher : Je vous remercie. Je remercie également la sénatrice Moodie d’avoir lancé cette interpellation extrêmement importante. J’espère que d’autres prendront la parole à ce sujet.
Voici de quoi nous faire réfléchir. En matière de développement de l’intelligence artificielle, il y a deux approches bien distinctes. Il y a le développement mené par l’État, comme celui qui se fait en Chine et qui se fonde sur les principes socialistes — peu importe ce que cela signifie —, et le développement mené par l’industrie privée. D’après ce que je comprends, il est peu probable qu’un pays puisse mettre en place des dispositions législatives et réglementaires permettant d’encadrer une industrie dirigée par des entreprises privées ou par un État.
Savez-vous si des discussions ont eu lieu ou sont en cours au sujet de la création d’un organisme mondial qui pourrait assumer en partie ce pouvoir de réglementation, à l’instar de l’Agence internationale de l’énergie atomique? Le Canada devrait-il envisager de travailler en ce sens avec des États aux vues similaires?
Le sénateur Klyne : Je pense que c’est le genre d’approche dont il faut parler. Je suis tout à fait d’accord avec vous sur ce point. Nous devons explorer cette piste. Lorsqu’on organise un sommet ou un autre forum déterminant, les bonnes personnes doivent être présentes.
J’ai une grande confiance dans les capacités du Canada à cet égard. Il faut rassembler les acteurs concernés, mais aussi leur donner une raison d’agir afin qu’ils s’investissent et comprennent ce qui se passera s’ils échouent. Ensuite, on pourra parler des modalités.
(1710)
Je sais que le premier ministre préfère parler des modalités plutôt que des raisons. J’aime passer du temps à parler des raisons afin que les gens s’impliquent et sachent pour quoi ils se battent. Je crois néanmoins, comme vous l’avez dit, que c’est un bon point de départ.
(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)
[Français]
La Gore Mutual Insurance Company
Projet de loi d’intérêt privé—Deuxième lecture
Consentement ayant été accordé de revenir aux autres affaires, projets de loi d’intérêt privé, deuxième lecture, article no 1 :
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Loffreda, appuyée par l’honorable sénatrice MacAdam, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-1001, Loi autorisant la Gore Mutual Insurance Company à demander sa prorogation en tant que personne morale régie par les lois de la province de Québec.
L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, je vous remercie d’avoir donné votre consentement. Vous ne saviez peut-être pas que j’allais parler pendant 45 minutes avant de donner votre consentement. C’est une blague, évidemment; je serai bref.
Je me réjouis de prendre la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-1001, qui a été présenté par notre collègue le sénateur Loffreda. Je le remercie d’avoir accepté de parrainer ce projet de loi, qui revêt une importance capitale pour la Gore Mutual et Beneva.
Mon allocution sera brève, puisque des explications ont déjà été données par notre collègue sur la nature d’un projet de loi d’intérêt privé, sur le but de ce projet de loi, ainsi que sur l’historique des deux entreprises, sur leur projet de fusion et sur la nécessité d’adopter ce projet de loi rapidement pour réaliser ledit projet de fusion.
Comme vous le savez, les projets de loi d’intérêt privé sont devenus plutôt rares dans cette Chambre et à l’autre endroit. Toutefois, ce type de projet de loi garde une utilité et une pertinence dans des cas bien précis. En 2016, j’ai eu l’occasion d’être porte-parole de l’opposition sur le projet de loi S-1001, Loi autorisant La Capitale sécurité financière, compagnie d’assurance à demander sa prorogation en tant que personne morale régie par les lois de la province de Québec. À l’époque, le sénateur Dawson en était le parrain, mais en raison d’un problème de santé pour ce dernier, j’ai accepté, en quelque sorte, de porter les deux chapeaux, soit celui de porte-parole de l’opposition et de parrain à l’étape de la troisième lecture de ce projet de loi. J’en suis très fier, car j’ai marqué l’histoire à ce moment-là. Ce genre de projet de loi ne m’est donc pas étranger.
Le projet de loi S-1001 est un bel exemple de la nécessité de procéder par la voie d’un projet de loi d’intérêt privé. La Gore Mutual étant constituée en vertu de la Loi sur les sociétés d’assurances, aucune disposition législative ne lui permet d’être prorogée à titre de personne morale régie par les lois du Québec.
J’ouvre donc une parenthèse afin de mentionner qu’il serait à propos de se pencher sur les lacunes législatives qui font en sorte que, par exemple, des compagnies comme la Gore Mutual et Beneva dépendent d’un projet de loi d’intérêt privé pour parvenir à leurs fins. Je ferme la parenthèse.
À mon avis, l’adoption de ce projet de loi n’est qu’une formalité. Nous devrions y parvenir à l’étape de la troisième lecture au Sénat dans un délai convenable, conformément aux intérêts de ces deux entreprises très importantes pour les Canadiens.
Comme l’a souligné le sénateur Loffreda, il n’y a aucun enjeu autour de cette fusion. Au contraire, ce projet a reçu un appui considérable auprès d’acteurs majeurs de l’industrie. S’il y a un enjeu, c’est un enjeu de temps, puisque ce projet de fusion entre la Gore Mutual et Beneva exige de franchir plusieurs étapes qui s’échelonnent dans le temps et que le projet de loi S-1001 n’est qu’une des étapes à franchir avant quelques autres.
C’est donc avec grand plaisir et dans un esprit de collaboration que j’appuie la démarche du sénateur Loffreda pour que le projet de loi S-1001 soit adopté sans délai. Dans cette optique, je vous convie, honorables sénateurs, à voter en faveur de son adoption à l’étape de la deuxième lecture afin qu’il puisse être renvoyé sans tarder à un comité et que ce dernier l’étudie dans les plus brefs délais.
Je vous remercie.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
[Traduction]
Renvoi au comité
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Loffreda, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie.)
(À 17 h 16, le Sénat s’ajourne jusqu’à 13 h 30 demain.)